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DEUX JOURS AUX EUROCKÉENNES 2018

Franc-Comtois de naissance, je n’avais jamais participé aux Eurockéennes (shame, shame, shame), mais avec une jolie prog’ comme celle de cette année, il aurait été dommage de rater ça encore une fois.

Lors d’un festival, on ne peut jamais s’attendre à avoir la qualité d’un concert en salle avec une acoustique mortelle et les réactions d’un public de fans. On vient voir des groupes qu’on a envie de voir, mais aussi en découvrir pas mal d’autres et même, parfois, par pur masochisme, on va aller se planter devant un artiste qu’on n’aime pas, pour être bien certain qu’on ne l’aime pas (ou modérer ses propos le cas échéant). Je vais donc essayer de vous raconter mes deux jours de festival, en alliant l’expérience globale aux performances scéniques.

VENDREDI

Arrivé sur le site de la presqu’île du Malsaucy, je retrouve un ami pour regarder France-Uruguay, faut pas déconner, à l’Auberge du Lac entourés de supporters du FCSM (FC Sochaux-Montbéliard, l’équipe professionnelle du coin, en ligue 2, pour les profanes). Pinte. Allez les Bleus. 1-0 à la mi-temps, la France domine, nickel, je peux rejoindre tranquillement l’espace presse où je vais discuter avec Saul Adamczewski de Insecure Men et Fat White Family (interview ici).

Retour sur le site. Je rejoins des copains devant Our Girl qui termine son set sur la scène de la Plage. De la fuzz et de la cool attitude pour ce jeune trio de Brighton qui promet. « Note à Béné », pour ceux qui ne connaissent pas le lieu, la scène de la Plage est littéralement installée dans l’étang du Malsaucy, le public étant lui-même sur la plage. Canon !

On se dirige ensuite vers la Loggia (la petite scène du festoche) pour assister au concert de Nakhane. Autant le dire tout de suite, c’est la performance la plus classe du weekend. Le Sud-Africain « taille mannequin », vêtu d’un magnifique costume rose bonbon (signé Rich Mnisi pour les intéressés), balance un savant mélange d’électro pop teinté de soul et de glam, un fin croisement entre Seal et David Bowie. On se laisse emporter pendant trois quarts d’heure, le festival commence bien.

Après une petite balade sur le site et un passage rapide devant Michelle Denis & The Gospel Sessions, qui est en train d’enflammer la Plage avec son orchestre gospel-soul, on vient se poser devant Insecure Men accompagnés d’une poutine à la saucisse de Montbéliard (tuerie). Les mecs mettent un certain temps à se préparer, ils ont apparemment quelques problèmes techniques. Ça commence en retard et on se rend vite compte que la combinaison exotica-pop proposée par le groupe est plus adaptée à l’écoute sur album qu’en festival. On reste pour quelques chansons avant de suivre le gros beat que l’on entend au loin, venant du chapiteau Greenroom.

Arrivés devant Rilès, c’est la folie, littéralement. Le chapiteau est blindé, la moyenne d’âge a baissé de 15 ans en 150 mètres et le rouennais met le feu. Son rap clairement inspiré par les maîtres du hip hop US (Kanye West et Kendrick Lamar en tête) est plus efficace qu’original, mais qu’importe, l’ambiance est là et la performance scénique aussi. On passe un très bon moment avant d’enchainer rapidement sur la fin du set de Beth Ditto qui joue sur la Plage. Le soleil commence à descendre et on arrive au bon moment, elle est en train de finir sa reprise des Red Hot et enchaine sur « Standing in the Way of Control ». On restera jusqu’au bout pour danser sur l’inévitable « Heavy Cross » puis direction Prophets of Rage qui sont en train d’interpréter « Guerilla Radio » de Rage Against The Machine. Kickflip, frontflip et 50-50 avant d’arriver jusqu’à la grande scène où le supergroupe, formé par les musiciens de RATM et les rappeurs de Cypress Hill et Public Enemy, balance du gros son. C’est sympa, mais le marathon entre les scènes commence à se sentir dans les pattes. Pause. Bière. Bière. On rate Leon Bridges et on va se placer devant la grande scène pour attendre LE groupe de la soirée.

Pile à l’heure, Nine Inch Nails nous rappellent qu’ils sont bien les maîtres sur scène. Performance millimétrée, son quasi-parfait, lumières stroboscopiques hypnotisantes et setlist de guerre, Trent a envie d’en découdre. On aura même droit à une reprise de Bowie (« I’m Afraid of Americans »). Malgré le public un peu mou (il faut dire que les fans de la première heure commencent à ne plus être tout jeunes), je prends ma bonne dose d’énergie et je ne cligne pas des yeux pendant une heure et demie. Impeccable. La fin de soirée n’a plus vraiment d’importance, j’ai vu ce que je voulais voir.

On se dit qu’on va terminer la soirée devant The Black Madonna, qui, paraît-il, balance des sets de folie. OK, allons vérifier ça. Arrivés sur la scène de la Plage, la DJ lance les hostilités avec beaucoup, mais alors beaucoup trop de basses. C’est intenable, on décide de retourner sur la grande scène voir Richie Hawtin, valeur sûre de l’électro berlinoise. Cool, cool-cool-cool, ça conclue bien une bonne première journée. On va se coucher pour pouvoir se refaire la même le lendemain.

SAMEDI

Journée tourisme dans les rues de la vieille ville de Belfort, avec passage obligatoire par le Lion de Bartholdi, puis déjeuner sur la place accompagné d’un Pont (abréviation de Pontarlier, boisson anisée locale se rapprochant plus du raki que du Ricard et venant de la ville éponyme) et on repart pour le site du Malsaucy.

Après ce qui est devenu en 24h la traditionnelle pinte de début de soirée à l’Auberge du Lac, on arrive au festival sur le son de Truckks, groupe punk de Vesoul (support your local scene) à la moyenne d’âge de 17 ans. Ça file tout droit, sans relâche. Mélange entre le Nirvana des débuts, Black Flag et Unsane, les jeunes savent envoyer la sauce. Pour ma part, je veux voir BCUC dont on m’a dit le plus grand bien. Direction le chapiteau, alors que les Sud-Africains sont en train de finir leurs balances. Et c’est parti, la rencontre afrobeat et psychédélisme est efficace, la performance scénique est tout aussi impressionnante. Deux grosses caisses, une basse, deux congas et trois voix (deux masculines et une féminine) pour faire bouger celles et ceux qui sont arrivés assez tôt pour voir ça. Belle entrée en matière pour la soirée à venir.

Je retrouve les copains pour aller voir Touts à la Loggia. Les jeunes punks irlandais sont fans de The Clash et ça se sent, et se voit. Fred Perry et coupes de cheveux mélangeant le style mods et Johnny Rotten, on connaît ses classiques et on passe un bon moment.

Après ce début de samedi énergique, on se dit qu’on va aller se poser calmement sur la plage devant IAMDDB. La jeune artiste est censée proposer un hip hop saupoudré de jazz et d’électro de qualité, mais lorsqu’on arrive sur place, vingt minutes après le début de la performance, elle n’est toujours pas sur scène. Le DJ commence même à balancer des morceaux de l’album, pour faire patienter le public. Arrivée de la demoiselle, et totale déconvenue. Comme malheureusement pas mal de rappeurs actuels, elle chante sur sa propre voix enregistrée. Performance très moyenne, on reste 5 minutes puis on décide d’aller manger libanais.

La bonne nouvelle, c’est que ça va être bon, la mauvaise, c’est que le stand se trouve devant la grande scène où Chronixxx est en train de se produire. Pas fan de reggae, je confirme, comme dit au début de l’article, que je n’aime vraiment pas ça. On déambule sur le site et on rate malheureusement le concert de Caroline Rose, qui, parait-il, était très cool. Suite du programme à la Plage avec Superorganism. Je dois m’éclipser pour aller parler avec Viagra Boys (interview ici) et je ne verrai pas le groupe aux multiples origines dont on a déjà parlé par ici (j’ai ouï dire que ce n’était pas mémorable).

Je retrouve les copains devant At The Drive In qui donne un bien meilleur concert qu’à Rock en Seine l’année dernière, malgré un son très moyen. Comme la veille, on va ensuite se placer pour voir la tête d’affiche de la soirée, Queens of the Stone Age. Et encore une sacrée performance de la bande de Josh Homme. Le son n’est pas extraordinaire, comme souvent avec QOTSA et le solo de batterie sur « No One Knows » n’était pas obligatoire, ni la petite altercation avec la sécurité sur « If I Had A Tail », mais la setlist ne déçoit pas et le concert non plus. Merci les mecs, c’était top !

Petit coup de fatigue, on va se poser alors que Viagra Boys commence son set à l’autre bout du site. L’enchaînement est compliqué et au détour d’une commande de bière, je me retrouve à discuter au comptoir avec le chanteur de Touts qui m’annonce que leur album sortira bientôt et qu’une tournée européenne est prévue. Ils seront d’ailleurs au Cabaret Vert fin août et au festival des Inrocks en novembre. Bonnes nouvelles ! Mise en route tardive, je traverse la presqu’île et j’essaie de capter la fin du set des punks suédois en me disant qu’ils auront probablement gardé « Research Chemicals » pour la fin. Raté, ils finissent le concert 10 minutes plus tôt que prévu et j’ai juste le temps de voir Sebastian, le chanteur tatoueur tatoué quitter la scène sur un gros larsen. Tant pis, ce n’est que partie remise. Retour au bar en passant à côté du show de Rick Ross qui fait trembler le chapiteau Greenroom sur « Hustlin ».

On se rapproche de la fin de soirée et le choix entre Thérapie Taxi et Jungle est fait depuis longtemps. On ira voir les derniers sur la grande scène, pour être certain de bien terminer le festival (pour ma part en tout cas). Performance semblable à ce que le groupe propose d’habitude, les morceaux sont sympathiques, le son est propre, le jeu de scène est quasiment inexistant, mais « Busy Earnin » est toujours aussi efficace et c’est parfait pour se dodeliner avant de rejoindre la voiture, puis l’hôtel.

IL FAUT Y FAIRE

C’était mes premières Eurocks et certainement pas les dernières. Chaque festival a son identité et celle des Eurockéennes est une délicieuse alliance de simplicité et de qualité. Les bobos stylés côtoient les mecs bourrés torses nus, le restaurant à fondue n’est pas loin du vendeur de burritos végétariens sans gluten. Le site est très beau, entouré par l’étang du Malsaucy et les premiers sommets des Vosges. La grande scène est derrière une butte, il est donc impossible de ne pas voir un concert s’y déroulant, le camping est collé au festival et l’ambiance y est phénoménale (si vous aimez la fête) et surtout, la programmation est toujours de haut niveau. Du rock, du hip hop, de l’électro, de la pop, etc., il y en a pour tous les goûts et tous les âges. Dernière chose et pas des moindres, je n’ai jamais fait la queue au bar ni aux toilettes (bon, pour les femmes c’est toujours pas l’endroit le plus funky, mais ça m’a paru moins long qu’à Rock en Seine par exemple). L’année prochaine, je tente les quatre jours, ma foi !