ROCK EN SEINE 2018 copyright-Olivier Hoffschir
Olivier Hoffschir

Deux jours à Rock en Seine 2018

Étrange édition que ce Rock en Seine 2018. Pour ceux qui suivent un peu les actualités musicales, vous avez dû entendre que le festival a ramené cette année 20 000 personnes de moins que l’année précédente (qui n’était elle-même pas complète).

Les raisons sont nombreuses, mais voici les principales : une programmation inégale, l’arrivée du Paris Summer Jam le vendredi soir (qui a récupéré la tête d’affiche prévue par Rock en Seine, Kendrick Lamar) et la rude concurrence des nouveaux festivals parisiens, le Download (plus rock) et le Lollapalooza (plus éclectique). Rock en Seine n’est plus tout seul et doit s’adapter. Pas facile de rester sur le trône !

SAMEDI

On avait prévu d’aller voir six concerts samedi, si on n’était pas en retard… En arrivant un peu avant 17h (le trajet est long depuis l’est de Paris), on a malheureusement raté la performance d’Onyx Collective. On décide alors d’aller voir Cigarettes After Sex sur la Grande Scène. Sympathique, (très) calme, (trop) grande scène et (trop) tôt probablement, l’environnement n’était pas propice à la dose d’émotions normalement ressentie devant ce groupe. Dommage, mais on s’en doutait.

Remontée vers la scène de la Cascade pour assister au concert d’Anna Calvi, qu’on avait jamais eu l’occasion de voir en live. L’Anglaise revient cette année avec son premier album depuis 2013, Hunter. Prestance et classe en plus d’une très belle voix, l’Anglaise enchante notre fin d’après-midi, avant de passer au premier groupe du samedi justifiant le « rock » dans Rock en Seine.

Anna Calvi – © Olivier Hoffschir

Les sept Australiens composant King Gizzard & the Lizard Wizard se produisent sur la Grande Scène. Ils devraient l’appeler l’Immense Scène l’année prochaine. Elle permet effectivement d’accueillir les plus grosses têtes d’affiche et leurs installations, mais pour un groupe de garage rock, it ain’t easy, même avec deux batteries. Il n’en reste pas moins que les jeunes s’en sont très bien sortis avec une setlist mélangeant leurs cinq albums de 2017 entrecoupés de classiques et un super final enchainant les quatre premières chansons de Nonagon Infinity. On n’en attendait pas plus.

Ce samedi n’est qu’un enchainement d’allers-retours entre deux scènes. On aurait pu aller voir Insecure Men sur la scène du Bosquet, mais on les a déjà vus aux Eurockéennes. Place, donc, à Black Star sur la scène de la cascade. Le duo Mos Def-Talib Kweli est rarement en tournée, il aurait été dommage de les rater. On arrive devant la scène alors que Mos Def rappe sur Auditorium accompagné d’un DJ et Talib Kweli en guise de Slick Rick. Classe. Morceau terminé, The Hypnotic Brass Ensemble rejoint le duo sur scène pour donner une toute autre dimension à la performance. Avec une setlist mélangeant savamment des morceaux de Black Star, Mos Def solo et Talib Kweli solo, on vit passe un bon moment, même si, étrangement, ça manque de groove, et surtout, d’ambiance.

Black Star – © Olivier Hoffschir

Passage à la première personne car la suite relève de l’émotion personnelle. En 2009, dans le théâtre antique de Vienne à côté de Lyon, j’ai pu assister à l’un des derniers concerts d’Oasis, sans savoir ce qui allait se dérouler un mois plus tard à Rock en Seine. Impossible pour moi d’y aller cette année-là, c’est un pote sur place qui m’apprend la nouvelle de la séparation d’Oasis par SMS. Triste message pour un fan. Neuf ans après, Liam Gallagher revient et délivre une magnifique performance, pleine d’émotion, là où tout s’est déroulé. Rock’n Roll Star et Morning Glory pour commencer avant les quatre singles de son album solo, qui sonnent plutôt pas mal en live (comme quoi, le spectacle vivant est important). Il maitrise d’ailleurs cette Immense Scène comme personne, les habitudes ne se perdent apparemment pas. Puis viennent Some Might Say et une touchante version de Champagne Supernova, interprétée tout seul accompagné d’un clavier et dédicacée à son frère alors qu’il fait une allusion aux événements d’août 2009. Il enchaine ensuite avec un morceau de Beady Eye, Soul Love, puis You Better Run issue de son dernier album et enfin un final rassemblant Whatever, Supersonic, Cigarettes & Alcohol, Wonderwall et Live Forever. La messe est dite. Merci. Bonsoir.

Retour sur la scène de la Cascade pour assister au concert de Charlotte Gainsbourg. On nous en a dit le plus grand bien, il fallait aller vérifier. Mais il fallait manger aussi. Tout est possible à Rock en Seine, même voir un concert assis à une table. Et d’où on était, c’était très bien. Très belle performance, magnifique décor de scène, fait de cadres de lumière blanche et de miroirs, et super son. A revoir en salle, dans de meilleures conditions.

Charlotte Gainsbourg – © Christophe Crenel

Il nous reste un peu d’énergie, si nous allions voir le penchant musical de l’acteur Jared Leto ? Par curiosité, et clairement pour la performance scénique plus que la musique qui n’est pas vraiment à notre goût (on reste poli), on redescend une énième fois vers la Grande Scène pour voir son groupe, Thirty Seconds to Mars. Une batterie avec un batteur un peu trop énervé, un clavier/bassiste presque invisible et Jared Leto qui court partout, vêtu d’une chemise de nuit de grand mère décousue et une robe de chambre rose et dorée gigantesque. Clairement pas notre truc. Veni. Vedi. Pas vici. On aura tenu 10 minutes. Dodo. A demain.

DIMANCHE

Le dimanche promet une belle programmation, on arrive pile à l’heure prévue ! Haha ! Non. Pas très en avance, on manque le concert de The Regrettes, ce qui sera notre seul véritable… regret du festival.

On commence la journée avec Confidence Man sur la Grande Scène. Reprenant les codes de la dance des années 90, on a l’impression de se retrouver en boite dans A Night at the Roxbury, sans Will Ferrell. C’est efficace et bien fait. Mise en scène plus ou moins conceptuelle avec les deux musiciens en boxer noir coiffés d’un chapeau à voile, noir aussi, et changements de costume du duo Janet Planet et Sugar Bones (noms de scènes géniaux) toutes les deux chansons, on passe un bon moment plein de second degré.

On l’avait annoncé comme le plus beau moment du festival et on ne s’était pas trompé, le concert de Mashrou’ Leila, groupe pop/rock/electro libanais a tenu toutes ses promesses. Les mélodies envoutantes s’allient aux vidéos en arrière plan. On y voit tour à tour des danseurs et danseuses au milieu des montagnes du Liban et des scènes de nightclub. Le groupe a l’air de prendre son pied et sa générosité est communicative, la joie se ressent parmi tous les spectateurs présents. Situation des LGBT au Liban, libertés individuelles, etc., pendant les pauses, le chanteur, Hamed Sinno, prend le temps d’expliquer le thème de certaines chansons, éminemment politiques. Jack Lang, président de l’Institut du Monde Arabe est d’ailleurs présent sur le côté de la scène du début à la fin. On assiste à une véritable performance artistique pleine de revendications et d’amour. Le concert se termine sur l’électrisant Djin avec le public entonnant les refrains. Superbe moment. Vous pouvez voir ou revoir le concert en entier grâce à Culturebox ci-dessous.

On redescend ensuite un peu sur Terre en se dirigeant vers la Grande Scène et le concert de Wolf Alice, moins prometteur, malgré un très bon dernier album. Comme la dernière fois qu’on les a vus, en janvier, le groupe reste très scolaire et un peu trop distant du public pour faire mouche et transmettre des émotions à la foule. On aurait pu penser que la tournée avec Foo Fighters les aurait aidé à mieux maitriser la scène, mais non. Dommage. 

Avec, Idles, aucun doute sur la performance scénique en tout cas. Troisième concert pour nous depuis le début de l’année après le Trabendo et le Paléo Festival de Nyon. Toujours plus haut, toujours plus fort, les punks de Bristol délivre à chaque fois le meilleur d’eux-mêmes et ce Rock en Seine ne dérogeait pas à la règle. Grosse ambiance sur scène et dans le public avec des circles pits à quasiment chaque morceau, des slams de la part des guitaristes et une setlist mélangeant avec brio les morceaux de Brutalism, sorti en 2017, et ceux du nouvel album qui sortira le vendredi 31 août, Joy as an Act of Resistance. On ne peut que conseiller de vous le procurer, et d’aller les voir le 3 décembre au Bataclan.

IDLES – © Christophe Crenel

Il nous reste deux artistes à voir pour bien terminer ce dimanche qui, pour l’instant, tient toutes ses promesses. On redescend jusqu’à la Grande Scène, où on restera jusqu’à la fin de la soirée, pour voir Macklemore. La machine à tube a déjà commencé quand on s’approche (la faute au stand aligot qui n’avait plus qu’un seul vendeur pour faire les sandwichs saucisse-aligot aka « Le Spécial », tradition du dimanche de Rock en Seine, on a dû se rabattre sur un raclette-viande des Grisons, pas mal, mais ça vaut pas l’aligot). Bref. Tout le festival s’est réuni devant la Grande Scène et sa taille ainsi que ses écrans géants montrent toute leur importance à ce moment-là. Belle performance de l’américain qui enchaine les hits et termine sur Glorious en dansant avec sa fille, un maillot du PSG sur les épaules. On est mis dans l’ambiance pour le clou de la soirée qui interviendra une heure plus tard.

Bien mieux placés (on a eu le temps en une heure), on attend Justice en espérant qu’ils répondent à la question qu’on se pose depuis la veille. A quoi servent ces 12 écrans géants placés de chaque côté du public, prenant énormément de place et éteints depuis deux jours ? La réponse ne se fera pas attendre, le duo maitrise définitivement le concept de son et lumière. Les tubes s’enchainent, on en prend plein les yeux et les oreilles. Pour fêter la sortie de leur album live Woman Worldwide et la fin de leur tournée, Gaspard et Xavier ont mis les petits plats dans les grands. Inspirés par l’esthétique rock depuis leurs débuts, le duo électro continue sur sa lancée en reprenant le concept des panneaux lumineux mouvants sur scène comme Nine Inch Nails sur leur tournée 2012-2013. Mise en scène qui arrive à son paroxysme avec la disparition du groupe de scène pour réapparaitre au dessus du public (merci Kiss, Metallica et autres), sur une petite estrade au dessus de la régie. Le groupe rejoint ensuite la scène principale en traversant la foule (à la Johnny, RIP) pour terminer son set et finir debout, porté par le public. Performance impeccable et fin parfaite pour cette édition de Rock en Seine qui ne faisait pourtant pas rêver sur le papier. A l’année prochaine !

Justice – © Olivier Hoffschir