Ça faisait quelques temps qu’on n’avait plus entendu parler de Mini Mansions. Le trio rock a sorti un très bon deuxième album en 2015, The Great Pretenders (qui avait d’ailleurs fait un tour par la Song of the Week) et depuis plus grand chose. Il faut dire que Michael Shuman, Tyler Parkford et Zach Dawes n’ont pas chômé ces dernières années, les trois compères ayant quelques obligations externes à leur groupe de coeur, et pas des moindres. Michael, également bassiste de Queens of the Stone Age, a enregistré le dernier album et participé à la longue tournée débutée en 2017. Tyler et Zach, quant à eux, ont fait partie de l’enregistrement du dernier Miles Kane et du dernier Arctic Monkeys, dont on ne tarit pas d’éloges par chez nous. D’ailleurs, Tyler tourne aussi avec ces derniers actuellement, on en reparle un peu plus bas.
On a pu rencontrer Michael et Tyler avant leur concert au Point Ephémère au début du mois d’octobre, une prestation qui coïncidait avec la sortie de leur nouvel EP, Works Every Time. Le nouveau 4 titres fait sortir Mini Mansions de leur pop-rock psyché inspiré des seventies pour les faire rentrer dans les eighties avec deux morceaux pop pétillants, « Works Every Time », « Midnight in Tokyo » et deux pistes plus punk : « The Bullet » et une reprise d’« A Girl Like You » d’Edwyn Collins. Si on peut être surpris à la première écoute, il faut bien avouer qu’on se laisse conquérir rapidement par la nouvelle voie empruntée par le trio. Le résultat démontre à la fois une grande qualité de composition associée à des mélodies catchy, une formule qui fonctionne !
Vous venez de sortir votre nouvel EP, Works Every Time qui sonne un peu différemment de ce que vous faisiez avant. Vous quittez le rock psyché 60s, 70s pour entrer dans quelque chose d’un peu plus pop 80s. C’est une nouvelle direction pour le groupe ?
Michael : Chaque année qu’on prend, on passe directement dix ans plus tard. (Rires)
Tyler : C’est pas mal ça !
Michael : Je ne sais pas s’il y a vraiment une raison, c’est peut-être juste une période qu’on apprécie. C’est peut-être aussi le fait d’enregistrer dans un autre studio. Le songwriting a été différent et la production aussi. Pour The Great Pretenders, on était dans ce studio, Vox, pendant un mois et c’était un vieux studio de Los Angeles des sixties. La vibe là-bas était un peu différente, ce qui nous a poussé à choisir certains instruments et un certain style. Le studio qu’on a choisi pour cet EP est celui d’un ami qui a tendance à avoir un style de production un peu plus « simple » et on s’est un peu laissé porté par ça.
Et tu disais que le processus d’écriture a été différent. En quoi ?
Michael : Au niveau des démos effectivement c’était très différent.
Tyler : Oui, une grosse partie a été écrite en solitaire. Par exemple Michael écrivait une chanson, enregistrait la démo et on bossait ensuite depuis la démo avec Michael et moi au chant la plupart du temps. Et à la fin ça donnait un truc de groupe. Ce n’était pas vraiment un objectif de faire un disque qui soit plus orienté 80s, mais je pense que c’était juste naturellement l’endroit où on était quand on a composé et enregistré ces chansons. Et aussi, on souhaitait faire quelque chose de plus facile et direct émotionnellement. Quand on a écrit The Great Pretenders, on voulait faire le truc le plus zen, bizarre et psych-pop possible alors que là on est plutôt allé vers quelque chose de plus percutant. C’est difficile d’être percutant quand tu es en plein trip psyché.
Sur cet EP, vous avez clairement deux chansons pop et deux chansons punk. C’est lié aux compositeurs ?
Michael : Non, c’est juste qu’on voulait des choses différentes sur cet EP. On le voyait plus comme une oeuvre à part entière plutôt qu’un single, même si c’est une toute petite oeuvre. Et quand on crée nos disques, le séquençage est super important, tu vois, comment il « coule » du début à la fin, et c’est ce qu’on voulait aussi avec cet EP. Quand on a fait le choix dans les morceaux qu’on a enregistré, on a trouvé qu’il y avait cette courbe ascendante qui commence avec « Works Every Time » et se termine en explosion avec « A Girl Like You ».
Ok, et il restera comme une oeuvre à part ou est-ce qu’il est lié à un album à venir ?
Michael : Il est lié, bien que ces 4 chansons resteront à part. On a écrit pas mal de chansons depuis deux ans mais celles-ci seront seulement sur l’EP. Les autres chansons auront leur place ailleurs.
Il y a donc un album qui approche ?
Michael : Il y a un album qui approche.
Tyler : Il y a un gros gâteau dans le four ! L’EP est un petit gâteau, un cupcake si tu veux. L’album sortira en 2019.
Très bonne nouvelle !
Pourquoi avez-vous choisi de terminer votre EP avec cette reprise d’Edwin Collins « A Girl Like You » à la Marilyn Manson ?
Tyler : (Rires) Chaque fois c’est la même… Tu voulais dire Alice Cooper ?
Oui, bien sûr ! (Rires)
Michael : Les reprises c’est compliqué et il faut faire très attention. Il est très facile de faire une moins bonne version que l’originale. Si tu veux reprendre exactement de la même façon, c’est une très mauvaise idée. Elle ne sera jamais aussi bien que l’originale, c’est impossible.
Tyler : Autant devenir un groupe de mariage. (Rires)
Michael : On voulait une chanson qui n’avait aucun rapport avec le style de Mini Mansions et en même temps, en la reprenant à notre sauce on voulait que les paroles aient du sens pour nous. On avait déjà les trois premières chansons de l’EP et il nous fallait celle qui allait terminer le disque.
Tyler : Et puis c’est surtout une putain de chanson ! Soyons honnêtes ! Et c’était d’ailleurs difficile de s’échapper de l’originale et se l’approprier.
Michael : C’est même devenue la chanson la plus compliqué à travailler de l’EP parce qu’on ne voulait pas la rater. Une chanson à toi, elle vient naturellement, c’est toi qui la crée (au delà de tout ce qui est lié à l’enregistrement ensuite) mais réinterpréter quelque chose qui existe déjà, c’est vraiment pas facile.
Et comment Mike Kerr (de Royal Blood) s’est retrouvé dessus ?
Michael : C’est un pote à nous. On a pas mal tourné ensemble, on a passé de longues nuits ensemble et on a souvent discuté de faire un truc ensemble depuis le temps qu’il habite à LA.
Vous faites tous les trois partie de groupes en dehors de Mini Mansions (QOTSA, Arctic Monkeys, Miles Kane, etc.) Comment arrivez-vous à vous organiser pour répéter, enregistrer, tourner, etc. ?
Tyler : C’est très compliqué. Mais heureusement, on est très bon de ce côté-là. Personnellement, je n’aime pas fanfaronner, je suis quelqu’un d’humble (NDLR : sourire en coin), et je ne dis pas qu’on est super fort mais, en étant seulement au même endroit quelques semaines par an, on est assez bon pour arriver à écrire des morceaux, enregistrer, répéter le set de concert et se rassembler en tant que groupe. Peut-être parce que depuis des années on s’est habitué.
Michael : On ne prend pas de jour de congé. C’est vraiment pas facile autant physiquement que mentalement.
Tyler : Tu ne vois pas ta mère souvent ! (Rires)
Michael : Mais c’est vrai en plus. Quand je rentre tout le monde est content, et je leur réponds que je dois aller bosser avec untel ou untel. Mais si tu veux que le groupe marche, que tu puisses jouer un peu partout devant le public et te faire connaitre de plus en plus, si tu veux tout ça, il faut faire des sacrifices.
Il n’y a pas d’histoire de priorité entre les gros groupes auxquels vous appartenez et Mini Mansions ?
Michael : Pas vraiment. On a tourné et on a attendu et maintenant c’est au tour de Mini Mansions de faire la même chose.
Tyler, tu joues en ce moment avec Arctic Monkeys et vous tournez ensemble avec Mini Mansions aux Etats-Unis sur quelques dates cette fin d’année. Ça signifie deux concerts dans la soirée ?
Tyler : Et ouais, double service ! C’est comme être le gardien de nuit dans un hôtel et aussi le concierge le matin, ou inversement. (Rires) Mais ce n’est pas aussi fatiguant que ça parait, c’est en fait très cool ! Quand les choses deviennent moins cool, ton corps peut rapidement mal réagir et tu commences à mal jouer. C’est à ce moment-là que tu as l’impression que ça devient un vrai boulot et c’est là que tu deviens le gardien de nuit.
Avec Zach, vous avez enregistré avec Miles Kane sur son dernier album. Vous jouez aussi avec lui sur sa tournée ?
Tyler : Non pas cette fois-ci. Mais c’est un super, super mec. Rocknroll! (Rires)
Michael : Le putain de rock!
Tyler : Ouais, le putain de rock.
Il joue dans un magasin Fred Perry dans Le Marais à l’heure où on parle.
Tyler : Il adore les fringues. C’est loin ? Il fait des stories sur Instagram, il est trop fort ! (Rires) What up Miles? (NDLR : Tyler crie dans le micro)
Et pour continuer sur les tournées, est-ce que ça devient une obligation pour vous alors que les revenus provenant du streaming ne rapportent pas assez ?
Michael : On ne fait pas d’argent en tournée non plus à vrai dire. En fait, on en perd en étant ici. C’est vraiment pas facile d’être un petit groupe en ce moment. Et pour être honnête on fait partie des petits groupes. Certains pensent que non et d’autres aiment nous le rappeler avec condescendance.
Tyler : On est aussi des « arnaqueurs », on a des trucs pour se faire de l’argent en tournée, tu veux même pas savoir. (Rires)
Michael : Quand je vois des jeunes se lancer dans la musique avec des étoiles dans les yeux, je leur souhaite que tout se passe bien, mais ça ne sera très probablement pas le cas.
Tyler : Ça élimine aussi pas mal de groupes au moment où ça devient marrant ! Il y a même des grands groupes dans le lot, comme The Germs par exemple. Ils ont seulement enregistré un seul album, une tuerie, et puis juste après, pouf, disparus. Bon aussi, Crash s’est suicidé, mais en dehors de ça, ce que je veux dire c’est qu’il y a des bons groupes qui grossissent et se disent ensuite ok, y a pas d’argent, j’ai une copine sérieuse maintenant, etc. Les trucs de la vie. Ça élimine les maillons faibles. (Rires)
En parlant de jeunes groupes, vous jouez aussi avec les Lemon Twigs sur la tournée Arctic Monkeys aux US. Vous pensez quoi de ces petits jeunes ?
Tyler : Niveau performance, c’est nickel.
Michael : Ils ont sorti un super premier album.
Tyler : Je me souviens, Michael m’a envoyé le lien pour écouter leur premier album alors que je sortais d’un avion à Los Angeles. Je l’ai écouté pendant des mois. Super groupe !
Question récurrente et basique pour terminer, qu’est-ce que vous écoutez en ce moment ?
Michael : J’écoute le dernier Spiritualized.
Tyler : Dans les derniers trucs qui sont sortis, j’écoute Insecure Men, tu connais ?
Ouais, on les a interviewés il y a quelques mois.
Tyler : Woouuhh ! Tuerie ! Fat White Family c’est cool mais là c’est un autre niveau. Super disque !
Quels sont vos projets pour le futur avec Mini Mansions et vos autres groupes respectifs ?
Michael : Mini Mansions à fond avec le nouvel album !
Tyler : 2019, mec !
Michael : Ouais, ça va être une grande année pour nous. Pas financièrement, on est fauché, mais on va passer du bon temps !
Tyler : Et on est célibataire et super friqué les filles ! (Rires)