Le groupe dont tout le monde parle en ce moment vient de Byron Bay, petit paradis pour surfers des Nouvelles Galles du Sud en Australie, a contre toute attente installé ses quartiers généraux dans la grisaille de Neukölln, Berlin et a été signé par Kitsuné, un label français. Les débuts de Parcels, combo parfaitement voyageur composé de jeunes mecs entre 21 et 24 ans sont fracassants. Formé dans leur bout du monde en 2014, le groupe sort deux premiers EP autoproduits présentant au monde leur musique effrontément raffinée, mélange très bien dosé de disco funk et de soft rock sophistiqué aux racines pop et rock sixties et présentant une touche de modernité qu’on jurerait française… C’est d’ailleurs après leur premier concert parisien aux Bains auquel ils avaient assisté que Daft Punk décidèrent de co-composer et réaliser leur premier single pour Kitsuné, « Overnight », en 2017. Nul doute que les Robots ont reconnu en ces jeunes gandins au look néo-beatnik leurs héritiers. La chanson cartonne, ce qui permet à Parcels de tourner un peu partout, et plutôt que de marcher dans les traces des meilleurs musiciens de la french touch, les Australiens se retirent dans un studio berlinois pour prendre le temps de peaufiner un premier album qui devra être bien plus qu’un simple carte de visite.
Le résultat est à la hauteur de l’attente. « Parcels », l’album, arrive muni d’une image iconique, représentant les cinq membres du groupe comme des pilotes et des mécaniciens d’aéroport regardant une jeune femme s’éloigner dans une mise en scène à la Beatles, en une vision post-moderne d’une tradition pop de la pochette de disque. Imagerie parfaitement en accord avec le contenu de cet album, qui semble allier un sens aigu de la mélodie à l’ancienne et un savoir-faire d’une hallucinante musicalité, et ayant déjà l’épaisseur d’un classique à la fois parfaitement dans le Zeitgeist et l’intemporel.
Le single avant-coureur, le très funky « Tieduprightnow » sonne comme Chic en 2018, enfin comme devrait sonner Chic en 2018, plutôt que comme la pâle copie que la légende disco funk new-yorkaise vient de rendre avec le médiocre « It’s About Time ». Le guitariste moustachu Jules Crommelin semble en tous cas avoir découvert le secret de Nile Rodgers pour tricoter ses licks funky. Introduction très dansante mais la première chanson composée fut pourtant la ballade chaloupée et mélancolique, classiquement pop « Bemyself » , ouvrant ainsi de nouvelles perspectives. « Lightenup » le second single qui nous intéresse ici est une bombe disco funk, portée par un irrésistible riff de guitare sec comme un coup de trique sur lequel se greffent les entrelacs de six-cordes de Patrick Hetherington, les claviers de Louie Swain et l’impeccable groove millimétré asséné par Noah Hill à la basse et Anatole Serret à la batterie. Comme souvent chez Parcels, le chant est choral, dominé par la voix de tête de Crommelin et les savantes harmonies vocales de ses petits camarades, un peu comme si les Beach Boys des sixties avaient été téléportés chez Daft Punk. Plus rare et gimmick unique que la présence de cette flûte traversière qui souligne la mélodie comme dans les vieux tubes soul de Motown, puis qui part dans un solo jazz tropical à la fin du morceau. Ca pourrait sonner vintage, et pour une raison pas vraiment explicable ce n’est pas le cas et c’est tout le paradoxe de ce groupe décidément singulier et de ce très bon disque. L’introductif « Comedown » et son faux départ à l’orgue au son filtré se mue en une tuerie funky 80’s, « Withorwithout » un mid-tempo satiné que n’auraient pas renié les Cars ou le Phoenix des débuts, « Tape » aurait facilement pu figurer dans un récent disque des Strokes. Le morceau fleuve « Everyroad » mélange avec audace pop californienne, disco funk et prog rock, l’étrange et rêveuse « Exotica » groove comme du Fleetwood Mac. Avec ce disque dont on devient très vite accro, dont les finesses et la musicalité se laissent découvrir à chaque écoute, Parcels est sans aucun doute bien plus que le groupe du moment et devrait nous accompagner un bon moment, et pas seulement sur la piste de danse.
Live TV allemande, avec orchestre cuivres et cordes (début: 0:48) :