Le kid de Wirral est de retour en solo avec un troisième album, le premier depuis 2013 baptisé « Coup de grâce » (ne prenez pas ceci pour un hommage à la culture française, il suffit d’entendre comment il le prononce pour en être certain, car il veut parler d’une clé de catch dont notre homme se déclare très friand.) Miles Kane est le lad ultime, le gars sympa et grande gueule, au swag et au charme juvénile évidents, à l’allure impeccablement élégante, incarnant à la perfection une certaine idée du rock anglais, comme avaient pu le faire autrefois Roger Daltrey, Rod Stewart ou Liam Gallagher, et comme l’incarnera bientôt sans aucun problème Charlie Steen, le chanteur de Shame (SOTW #137).
Et si Miles Kane s’était remis à l’écriture dès la fin de la tournée qui suivit le bon « Don’t Forget Who You Are » en 2013 (le concert à la Rodia à Besançon fut bouillant, un véritable uppercut dans la face), il s’est vite laissé distraire pour retourner vivre sa bromance musicale démarrée en 2008 avec Alex Turner au sein de the Last Shadow Puppets, dont le second album « Everything You’ve Got To Expect » a connu un immense succès international amplement mérité (replongez-vous donc avec délice dans les SOTW #79 et SOTW #90). En se remettant à l’ouvrage à la fin de la tournée en 2016, il a trouvé ses chansons en solo trop plates et a quasiment tout mis à la corbeille. Désormais installé à L.A., l’Anglais s’est acoquiné avec un compatriote exilé en Californie lui aussi, Jamie T., artiste au style niché entre folk abrasif et punk rock généreux. Offrant ses services de compositeur à Kane pour le libérer de son angoisse de la page blanche, Jamie T. a grandement contribué à imposer une direction à ce que sera « Coup de grâce », un album bref, puissant, au premier degré réjouissant. Impeccablement réalisé (très bien produit par John Congleton et interprété par les excellents sidemen des Last Shadow Puppets, les Mini Mansions Tyler Parkford aux claviers et Zach Dawes à la basse, et le batteur Loren Humphreys) « Coup de grâce » reste toutefois un peu trop léger pour ne pas être un poil anecdotique. Dix chansons en à peine trente minutes composent l’album mais les meilleures d’entre elles ne sont pas celles exécutées pied au plancher. Se détachent très nettement les plus nuancées, la très glam et tubesque « Cry On My Guitar », la ballade (seule de l’album) joliment troussée « Killing the Joke », la finale « Shavambacu » où Miles se permet de crooner comme il le faisait avec son ami Alex, l’étrange « Wrong Side Of Life », où il flirte avec la soul dans un registre aigu et la très réussie « Loaded ».
Co-écrite avec Jamie T. et Lana del Rey (dont on entend d’ailleurs les choeurs de sirène si on tend bien l’oreille), « Loaded », puissant mid-tempo est une chanson résignée, où Kane renonce à se battre et laisse sa petite amie à le quitter, puisqu’elle menace tout le temps de le faire, « Too tired to try to let it go » trop fatigué pour essayer de laisser couler. Le ton reste toutefois bravache et ne saurait être larmoyant, pas le genre de la maison même quand on se résout à baisser la garde. Grande chanson pop, « Loaded » évoque sans trop de difficultés les Beatles ou Oasis, en y adjoignant une certaine hargne, et aussi une subtilité mélodique clairement redevable à ses aventures avec Alex Turner. La note de piano martelée, le tambourin omniprésent, les syncopes de batterie, les saillies de Gibson enflammée (Miles Kane est fin guitariste), tout tombe à point pour sertir une mélodie chiadée, évidente et pourtant unique (le pont, à ce sujet, est vraiment très bien tourné). Grande chanson, point barre. On aurait bien aimé que tout « Coup de grâce » soit de ce niveau. Peut-être Miles Kane a t-il voulu marquer sa différence avec son partenaire de jeux Alex Turner qui lui a opté pour une sophistication extrême avec Arctic Monkeys, en proposant un album brut de décoffrage. A l’écoute de « Loaded », on peut le regretter. On guettera toutefois avec enthousiasme ses prestations live, toujours généreuses et décoiffantes.