Courtney Barnett est décidément l’une des artistes favorites de cette rubrique, car son « Sunday Roast », troisième single issu de son excellent nouvel opus « Tell Me How You Really Feel » est la quatrième Song of the Week de l’auteure-compositrice australienne. Replongez-vous pour mémoire et avec délice, dans la furieuse « Pedestrian At Best » (SOTW #50), la non moins fulminante « Nobody Cares If You Don’t Go To The Party » (SOTW #77) et sa belle collaboration pop folk avec Kurt Vile « Over Everything » (SOTW #131).
A aujourd’hui 31 ans, Courtney Barnett semble être en pleine possession de son style, un rock à guitares à grande sensibilité pop délivré avec voix sans apprêt et une scansion pince sans-rire mais pleine de tendresse et de douce ironie. Son talent de parolière et de conteuse est par ailleurs unanimement loué. Ce second album est toutefois marqué par une vraie colère parfaitement en phase avec les luttes féministes, comme le prouve l’implacable « Nameless, Faceless » (où l’on remarque la présence idéale aux choeurs de ses « marraines » américaines, les soeurs Kim et Kelley Deal des Breeders, manifestement influences chéries de Courtney Barnett), avec ce refrain qui proclame que « les hommes ont peur que les femmes se moquent d’eux, les femmes ont peur que les hommes les tue ». le titre du dissonant et franchement punk « I’m Not Your Mother, I’m Not Your Bitch » résume tout. L’angoisse et le manque de confiance en soi derrière l’énergie et l’apparente jovialité pointent aussi, l’album commençant avec le morceau le plus dark et le plus dur jamais enregistré par l’Australienne, l’étonnant ostinato « Hopefulessness », sans doute la chanson la plus impressionnante qu’elle ait jamais composée. Sur le plan musical, Courtney et les compétents musiciens du CB3 (son groupe de scène, Bones Sloane à la basse et Dave Mudie à la batterie) ont lâché la bride de leurs chevaux, les puissantes rythmiques sont au cordeau, les guitares brillantes et saignantes. Les assurant seules, cette gauchère qui n’aime pas jouer avec un médiator affirme un style qui, s’il n’est pas virtuose, est redoutablement efficace et bien senti.
« Sunday Roast » conclut « Tell Me How You Really Feel » avec douceur, une ode à l’amitié comme on n’en fait plus. Quand Courtney convie un-e ami-e vraisemblablement déprimé-e à partager son « rôti du dimanche » et s’affaire à lui redonner confiance. Beau moment d’ouverture à l’autre, sans chichis mais bourré d’empathie, d’une universalité bienfaisante. La première partie de la chanson est bâtie sur une rythmique folk rock suspendue avec accords enveloppants et mélodie flottante, avant de prendre une tournure plus entraînante et optimiste lors d’une coda pop remarquable. De la belle ouvrage. « Sunday Roast » peut sans aucun problème et avec brio se placer parmi les chansons les plus réconfortantes de l’histoire de la pop, et ceci sans un poil de mièvrerie. C’est grâce à ce genre d’exploit que Courtney Barnett s’impose comme l’une des grandes artistes du rock à guitares. Chapeau.
NB : Courtney, fille sympa s’il en est, montre dans la vidéo officielle de « Sunday Roast » comment jouer cette chanson à la guitare…
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