Oldie but goldie! J’ai vu cette semaine au cinéma le rockumentaire de Jim Jarmusch consacré aux Stooges, « Gimme Danger ». Si l’on ne retrouve guère la patte du cinéaste américain, fan ultime d’Iggy Pop et du groupe, le contenu du film est néanmoins assez passionnant, ne serait-ce que pour les (plutôt rares) images d’archive et surtout pour le long témoignage du génial conteur James Osterberg, alias Iggy Pop, qui n’a pas son pareil pour narrer avec une faconde irrésistible les histoires édifiantes qui lui sont arrivées, à lui et aux Stooges.
Si Simon a jeté son dévolu sur « Fun House » dans sa rubrique « On the Rocks », mon album favori des Stooges est « Raw Power », chant du cygne du groupe enregistré à Londres en 1972 dans des conditions cahotiques, malgré la présence de la bonne fée David Bowie qui avait réussi à faire signer son idole par sa compagnie de management, MainMan et qui finira par mixer l’album. Il s’avèrera que MainMan avait simplement exaucé le voeu de son champion, soit signer et faire enregistrer Iggy, mais n’en avait cure de son groupe, laissant les Stooges se déliter sans avoir le droit, contractuellement parlant, de faire des concerts. Toujours est-il qu’en 1972, quand Iggy Pop arrive à Londres flanqué de son nouveau guitariste de 22 ans James Williamson, il est bourré d’adrénaline et a de grands espoirs. Refusant d’utiliser des musiciens de sessions, ils appellent les frères Asheton, membres originaux des Stooges en cale sèche dans leur patelin du Michigan pour qu’ils forment leur section rythmique (Ron passant de la guitare à la basse, lequel a dû, j’imagine, sacrément ravaler son fierté). Le disque solo d’Iggy Pop sera donc le troisième album des Stooges (signé, et ça en dit long, Iggy and the Stooges). Des sessions de travail acharné dans le studio londonien loué par MainMan, seules trois chansons seront gardées, dont « Search and Destroy ». Le matériel si peu commercial avait été refusé et avait obligé Iggy et les Stooges à retourner au charbon, le résultat étant toutefois largement à la hauteur de l’attente.
Composé par Pop et Williamson, ce brûlot nihiliste tient son titre d’un article de Time Magazine sur la guerre du Vietnam. Iggy se présente comme le rebut de l’occident, « I am a world’s forgotten boy, the one who searches and destroys » (je suis un garçon oublié du monde, celui qui cherche et qui détruit) et exhorte sa « baby » à l’aider sur le chemin du salut. La voilà prévenue ! Cette excellente chanson, pop derrière la furieuse mitraille électrique, est extrêmement bien fichue, preuve de la grande rigueur artistique du tandem Pop/Williamson. Contrairement aux précédentes chansons des Stooges, Iggy emprunte un registre plus aigu. La profusion harmonique de la guitare très volubile de Williamson l’ayant obligé à grimper d’un octave pour qu’on l’entende. Le mixage est très insolite: voix et guitare solo très en avant, section rythmique très en retrait. C’est dommage car la ligne de basse du guitariste Ron Asheton propulse le morceau vers l’avant. Bowie a fait ce qu’il a pu avec les bandes fournies et autoproduites par Iggy lui-même et a sans le chercher créé ce son si urgent et agressif qui influencera grandement le punk rock, lequel apparaitra quatre ans plus tard à New York et Londres. Mieux, « Raw Power » et en particulier « Search and Destroy » en sera la pierre de Rosette. C’est dire son importance historique, car si à l’époque de sa sortie en 1973 elle ne rencontra aucun succès, « Search and Destroy » est considérée aujourd’hui comme l’une des plus grandes chansons rock… J’adhère!
Live 2012, reformation des Stooges avec James Williamson. Notons que 40 ans après, Iggy a du mal avec la tessiture aiguë…