13th-Floor

On The Rocks #19

13th_Floor_Elevators-The_Psychedelic_Sounds_of_the_13th_Floor_Elevators_(album_cover)Disque culte du mouvement psychédélique, le premier opus des 13th Floor Elevators atterri dans les bacs en novembre 1966. Sous sa pochette mystérieuse se cachent onze titres bruts et inspirés, qui marqueront plusieurs centaines d’artistes,  The Black Angels, Baby Woodrose et Primal Scream en tête, par leurs sonorités aventureuses et leurs thèmes décalés. « The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators » ouvre les portes d’un nouveau genre, un rock libre, lourd, répétitif, dont la force créatrice réside dans la consommation de toutes sortes de substances pour le moins illicites. Emmené par le guitariste chanteur Roky Erickson, dont la drogue ruinera une majeure partie de sa carrière, les Texans deviennent rapidement les portes-paroles d’une scène qui fait ses preuves devant la jeunesse hirsute de Haight-Ashbury à San Francisco et dont l’oeuvre sera immortalisée quelques années plus tard par Lenny Kaye (Velvet Underground) sur ses mythique compilations Nuggets. Avec « You’re Gonna Miss Me », Erickson crache sa rancœur après une histoire amoureuse peu concluante. Derrière son riff hargneux, on peut entendre un bruit assourdissant émanant d’un instrument peu habituel, l’electric jug. Ces nouvelles sonorités sont la marque de fabrique du band originaire d’Austin, plongeant l’auditeur dans une transe électrique lui permettant de visiter des territoires musicaux jusqu’alors inconnus. On retrouve ce climat tendu et loufoque sur « Rollercoaster ». Son riff hypnotisant sert de terrain de jeu aux incantations possédées d’Erickson. Même combat sur la démoniaque « Reverberation », autre grand moment de cet album hallucinant. Sur « Don’t Fall Down » et « You Don’t Know How Young You Are », le groupe invente la balade garage psychédélique qui fera le succès de formations aussi diverses que The Seeds ou Strawberry Alarm Clock. Mention très spéciale pour « Thru The Rythm » et son tempo lancinant. Sur ce morceau lourd et plein de reverb, le frontman du groupe se transforme en prêcheur prophétique, poussant des cris à glacer le sang du plus téméraire des reptiles. Première utilisation de l’adjectif « psychédélique » dans le registre musical, ce premier album des 13th Floor Elevators continue d’intriguer plus de cinquante ans après sa sortie. Un disque fondateur, sans aucun doute.

Année : 1966
Origine : Etats Unis
Pépite : « Reverberation »
Eat : Chimichanga (burrito frit)
Drink : Naked&Famous (mezcal, aperol, chartreuse, et citron vert)

 

deathDetroit, ses usines de bagnoles, son label Tamla Motown et sa grisaille intemporelle. Capitale musicale des Etats-Unis, la ville du Michigan a vu naître les débuts du punk rock américain. Parmi cette scène composée de noms aussi prestigieux que les Stooges, le MC5 ou les Rationals, Death, un trio afro-américain au rock engagé et engageant, auteur d’un album profondément miraculeux : « For The Whole World To See ». Emmené par les frères Hackney, le groupe se démarque par son sens accru du riff, des refrains fédérateurs et une urgence boostée par les mutations socio-économiques que traversent la Rust Belt en ce début des seventies. Rare groupe afro-américain à s’être essayé au punk rock, Death a contribué à l’élaboration de ce genre qui s’exportera aussi bien sur la scène new yorkaise du CBGB que dans les boutiques de fringues de Camden et Soho en plein cœur de Londres. Ce premier disque de Death est une oeuvre colossale, qui lui aura valu une réédition premium totalement méritée en 2014, propulsant le groupe sur le devant de la scène quarante ans après ses débuts. Il ouvre en trombe sur « Keep On Knockin’ » et ses guitares rugissantes. Hymne phare du groupe, ce morceau rapide et racé donne le ton de l’album. S’en suit « Rock n’roll Victim » et son riff heavy, aux frontières du hard rock et du métal. Sur « Let The World Turn », le trio du midwest ralenti la machine, offrant un morceau planant qui flirte avec le rock progressif. Les choses sérieuses reprennent sur « You’re A Prisoner ». Groupe aux motivations politiques clairement affichées, Death maîtrise l’art de la chanson tronçonneuse, celle qui transperce les oreilles de son auditeur tant par ses sonorités explosives que par la hargne de ses paroles. On retrouve cet engagement idéologique sur le morceau final de l’album, la très groovy « Politicians In My Eyes », et son refrain inoubliable. Sur ce titre de haut vol, les trois Afro-américains crachent leur haine sur une classe politique dépassée, bonne à envoyer une frange de sa jeunesse croupir dans les rizières pleines de mines du Sud Vietnam. Rarement un groupe de punk américain avait été aussi frontal dans son rejet de l’establishment. Quarante deux ans après sa sortie, l’album reste toujours aussi convaincant. Foncez chez votre disquaire en acheter une copie !

Année : 1974
Origine : Etats Unis
Pépite : « Politicians In My Eyes »
Eat : Steak Tartare Frites
Drink : Sangria à l’orange

 

A mi-chemin entre pop psychédélique, garage et funk typé années 1980, « Multi-Love » marque un tournant dans la carrière d’Unknown Mortal Orchestra. Le groupe basé à Portland, haut-lieu de la coolitude musicale internationale depuis une bonne dizaine d’années, décide d’innover en injectant une bonne dose de groove à son rock indé subtil et délicat. Le résultat est surprenant, voire déroutant à la première écoute. Pourtant, le choix s’avère gagnant. Les compositions gagnent en profondeur, conquièrent de nouveaux espaces, sans perdre de leur fraîcheur. Ruban Nielson fait des prouesses à la guitare. Le néo-zélandais semblent avoir passé plusieurs mois à écouter Prince, singeant le Love Symbol tant à la six-cordes que dans l’intonation de sa voix. Sur « Can’t Keep Checking My Phone », le trio distille un rock aux accents electro disco à faire danser les plus réticents d’entre nous. On retrouve ce groove d’enfer sur « Like Acid Rain » et « Ur Life One Night ». « The World Is Crowded » est un hommage à la musique noire américaine, rappelant les meilleurs moment de la Philly Soul et ses arrangements à la saveur si particulière. « Necessary Evil » et ses claviers aériens mélangent les genres avec brio. Imaginez Pink Floyd période Wish You Were Here s’enfermant dans un studio en compagnie des BeeGees et de Stevie Wonder. Un pari réussi. Sans tomber dans un rock dansant complètement évident, Unknown Mortal Orchestra sait toujours faire dans la pop légère et aérienne, comme sur le morceau éponyme de l’album qui aborde le thème complexe du polyamour et de la vie de musicien sur la route. Même saveur mélancolique sur la magnifique « Stage or Screen », dont la suite d’accords rappelle les meilleurs comptines du duo Lennon-McCartney. Le troisième opus du groupe de l’Oregon finit en beauté avec « Puzzles », un morceau des plus intriguant, qui change d’ambiance et de tempo à divers reprises, s’alourdissant au fil des mesures. « Multi-Love » est incontestablement un disque à la saveur sucré-salé, tantôt entraînant, tantôt posé, qui mérite une écoute plus qu’attentive.

Année : 2015
Origine : Etats Unis
Pépite : « Stage or Screen »
Eat : Tarte aux framboises
Drink : Caipirinha de fraises