On The Rocks #18

StoogesFunHouseLa bande son de la troisième guerre mondiale, sans aucun doute. « Funhouse » est vraisemblablement le disque de rock le plus violent de l’histoire, un voyage dans les bas-fonds d’une Amérique défoncée, aux pensées malsaines et aux idéaux mis à mal. Enregistré en seulement quinze jours aux studios Elektra Sound Recorders à Los Angeles, le second opus des Stooges sent l’urgence. Produit par Don Gallucci, l’album est souvent considéré comme le plus grand disque de rock de tous les temps. Il suffit de demander à Jack White ce qu’il en pense. Sans « Funhouse », pas de Sex Pistols, de Sonic Youth ni de Queens of the Stone Age. Pendant plusieurs mois, Iggy Pop et sa bande de marginaux ont vécu enfermés dans une grange délabrée du Michigan, à collectionner des uniformes nazis et à se shooter sans relâche. Ils ont élaboré un rock aux allures de danse tribale, d’une agressivité rare. Les riffs élaborés par Ron Asheton sont d’une simplicité déconcertante, brute, pleins de distortion et de reverb. Ils servent de terrain de jeu au jeune James Osterberg Jr, a.k.a Iggy Pop, qui beugle son mal de vivre (« Loose », « Dirt ») et ses fantasmes les plus primaires (« TV Eye ») comme si ses jours étaient comptés. Derrière les fûts, Scott « Rock Action » Asheton mène la danse, sur des tempos loufoques, entre free jazz et proto-punk. Les envolées lyriques du saxophone de Steve Mackay sont à glacer le sang. Sans le savoir, les Stooges viennent d’inventer un nouveau genre, qui tient ses racines dans le blues primitif de Howlin’Wolf, le rock disonnant du Velvet Underground et la consommation de dope à outrance. « Funhouse » est un disque animal, une sombre odysée dans ce que la musique offre de plus obscure et primaire. Bande son d’une frange de l’Amérique décalée en marge d’une société qu’elle méprise sans totalement s’en affranchir, « Funhouse » est une expérience sonore multi sensorielle. Ces sept titres placés sous haute-tension ont le pouvoir de déclencher instantanément une baston générale en un accord de guitare. Radical.

Année : 1970
Origine : Etats-Unis
Pépite : « 1970 »
Eat : Steak de bison
Drink : 8cl de Tequila Hornitos

 

CostelloDrôle de personnage que ce jeune anglais au look de pompiste américain tout droit sorti des années 1950. Avec ces lunettes rétros et ses faux airs de Buddy Holly, Elvis Costello s’est fait un nom dans la scène pub rock du milieu des seventies au Royaume Uni. Son premier album, « My Aim Is True » est à la croisée des chemins, entre new-wave, punk et power pop. Car le jeune natif de Paddington, dans l’ouest de Londres, a su composer entre influences nationales (The Beatles en tête) et l’Amérique qu’il fantasme depuis son plus jeune âge. Les arrangements pop du producteur Nick Lowe donne une saveur spéciale à cet album plein de références au rock de l’Oncle Sam, en particulier à la country (« Waiting For The End Of The World ») et au rockabilly (« Mystery Dance »). Pas étonnant que Costello fasse appel au groupe américain Clover pour lui prêter main forte en studio. Le résultat est un enchaînement de titres à l’efficacité redoutable, frais et sublimement calibrés. En effet, pas un seul des treize morceaux qui composent « My Aim Is True » ne dépasse la barre des quatre minutes. Le disque ouvre sur la fantastique «  Welcome To The Working Week », qui plonge l’auditeur dans les galères de Costello, passé par plusieurs petits jobs avant de se consacrer pleinement à sa carrière de musicien. Même combat sur la cynique « I’m not Angry », très largement inspirée par le passage de l’artiste chez le géant de l’esthétique Elizabeth Arden en tant que vulgaire employé de saisie de données. Rarement cité comme disque clef de se décennie dans nos contrées, « My Aim Is True » est pourtant un album fin, aux mélodies sucrées et carrément entraînantes (« Pay It Back », « Miracle Man »), faisant le pont jusqu’alors pas si évident entre les racines du rock américain de blanc becs et le punk londonien. Et quand on s’appelle Elvis, on ne peut que très rarement se tromper…

Année : 1977
Origine : Royaume Uni
Pépite : « Welcome To The Working Week »
Eat : Classic cheeseburger
Drink : Une pinte de cidre Magners

 

True LoversAprès avoir quitté sa Nouvelle Zélande suite à la séparation des D4 (dont on a parlé ici même la semaine passée), Dion Lunadon pose ses valises à Brooklyn. La grosse pomme l’excite. En effet, on est bien loin de son tendre et calme archipel du Pacifique sud. Rapidement, le natif d’Auckland s’entoure des musiciens locaux et bosse sur un nouveau projet. Sans abandonner ses racines rock n’roll, le guitariste peaufine des chansons aux relents glam rock, soul, et funk. Il use des vinyles des Rolling Stones du milieu des seventies, « Goat’s Head Soup » et « It’s Only Rock n’roll » en tête et ainsi que les classiques de chez Stax Records, le mythique label de soul basé à Memphis, dans le Tennessee. Sous le nom de « True Lovers », Lunadon et ses nouveaux amis distillent quelques pépites groovy à faire Keith Richards rire jaune. Que ce soit sur le groovy « Death Threat », l’urgente « Lady of the Manor » ou la très sexy « Guilty Pleasure #9 », le néo-zélandais montre qu’il maîtrise tous les codes du genre avec une certaine classe. Choeurs féminins de haut vol, piano boogie imbattable, et licks de gratte ultra-stoniennes, tous les ingrédients sont réunis pour nous rappeler ce que le rock à offrir de meilleur quand il est joué avec autant de brio. Car le but ici n’est pas de révolutionner la musique, mais de taper juste et droit, comme on le faisait quarante ans en arrière. Album à l’élégance rare et à la pochette sympathique, « True Lovers » compte onze titres perpétuellement sur la tangente mais qui ne finissent jamais par exploser. C’est là que réside tout le talent de Lunadon et sa bande, dont on regrette la très éphémère carrière (un peu plus d’un an). Culotté, le groupe s’est tout de même offert le luxe d’imiter Roky Erickson sur la ballade acoustique « Makes a Fool Out of Me », qui clôt ce disque complètement confidentiel (à écouter sur bandcamp ici) de la plus belle des manières. Pour ceux qui se demandent ce qu’est devenu ce bougre de Dion Lunadon, allez jeter une oreille du côté des énervés de A Place To Bury Strangers.

Année : 2010
Origine : Etats-Unis
Pépite : « Death Threat »
Eat : Salade d’avocats
Drink : Metropolitan cocktail