A ma soirée de réveillon lors de laquelle j’aurai passé pas mal de temps à virevolter sur la piste, j’ai eu l’immense plaisir d’onduler sur le splendide « Rock Your Baby« , seul véritable hit du chanteur soul George McCrae. Quelqu’un avait eu la très bonne idée de glisser cette pépite (et pour moi vraie madeleine) en version « extended » dans sa playlist, je ne sais pas qui c’est, mais qu’il (qu’elle) en soit loué(e).
Cette chanson, hit mondial, a aussi rencontré un grand succès en France, et, matraquée à la radio, a rythmé mon été 74 et donc ma pré-adolescence. « Rock Your Baby » me plaisait infiniment et, aux côtés d’autres tubes du style, a été sans nul doute à l’origine de mon goût très prononcé et toujours vivace pour la musique qui fait danser avec des étoiles dans les yeux. Avec du recul, il est clair que « Rock Your Baby » appartient à ce genre de soul funk aux arrangements sophistiqués qui se transformera en ce tsunami que fut la disco dès l’année 1976. Aux côtés du « Soul Train » des O-Jay’s, du « Rock the Boat » de Hues Corporation, du « Jive Talkin » des Bee Gees et aussi du « Young Americans » de Bowie, c’est toute cette genèse proto-disco que j’évoque à travers « Rock Your Baby », genre remis à l’honneur récemment et avec brio par the Last Shadow Puppets.
Comme bien des tubes de ce calibre, « Rock Your Baby » est née d’un hasard. Cette chanson a été composée et réalisée par deux membres du fameux big-band disco multi-platiné KC & The Sunshine Band (« That’s the Way I Like It »), Harry Wayne Casey (KC, c’est lui) et Richard Finch, et la piste musicale en est la démo, couchée sur bande en à peine quarante-cinq minutes par les deux musiciens et leur guitariste Jerome Smith. D’où la présence de cette boîte-à-rythmes alors totalement inhabituelle, en principe utilisée que pour les versions de travail et qui aurait dû être remplacée par une vraie batterie. La chanteuse à qui aurait dû échoir l’interprétation étant en retard, c’est leur pote George McCrae présent dans ce studio, qui, doté d’un falsetto naturel très convaincant s’acquittera brillamment de la tâche. Le reste appartient à l’histoire.
Un groove lascif et enveloppant généré par une antique machine à rythmes Roland, une mélodie céleste au vibraphone, une basse presque latine (on est en Floride, Cuba n’est pas loin…) et surtout cette fantastique ligne de guitare rythmique, parfaitement sensuelle et solaire suffisent à donner à la chanson sa spécificité, il aurait été inutile d’en rajouter et les producteurs ont eu l’intelligence de ne pas empiler des cordes ou des cuivres sur ce canevas qui s’autosuffit et permet à la voix angélique de McCrae de s’élever vers la stratosphère. Le tempo médium autorisant aux danseurs de le faire à deux. « Woman, take me in your arms, rock your baby« , le message ne saurait être plus clair, c’est d’amour sensuel qu’il s’agit. Ce classique inaltérable a très largement dépassé le public disco et soul, inspirant entre autres (les auteurs l’ont confessé) le « Whatever Gets You Thru The Night » de John Lennon ou le « Dancing Queen » d’ABBA. Et, j’ai testé pour vous, danser tout en douceur sur « Rock Your Baby » est aussi vital en 2018 qu’en 1974 !
Extended version :