SOTW #226 : Huarache Lights, Hot Chip

Oldie but goldie. Nos bons maîtres ont un tantinet rallongé notre laisse, mais demain ne sera pas le jour où nous pourrons de nouveau vibrer physiquement à l’unisson sur de la musique, transportés par la danse en un lâcher-prise euphorique… Cette merveilleuse sensation, parmi les plus fortes que j’aie pu ressentir tous domaines confondus, je peux la deviner quand résonne dans mes oreilles Huarache Lights, vigoureux missile dance pop du combo anglais Hot Chip qui ouvre leur album de 2015 « Why Make Sense ? » comme il ouvre souvent les concerts du groupe. Est-ce l’état de manque qui me pousse à me réfugier dans ce doudou sensoriel, mais le fait est que cette chanson fait partie de ma playlist spéciale balades et me redonne le coup de peps nécessaire quand les jambes se font lourdes. Logique, les Huarache Lights étant un modèle de chaussures de sport (à ressort ?) prisées par le chanteur et parolier, nom choisi ici comme métaphore à l’extase qu’on peut rencontrer en découvrant une musique et à vibrer de concert dessus.

Hot Chip est un groupe discret aux tubes énormes… Une sorte de LCD Soundsystem à l’anglaise avec un supplément de mélancolie rythmée et un humour toujours palpable. Formé par deux London boys amis d’école, Joe Goddard et Alexis Taylor, auteurs-compositeurs aux deux voix complémentaires (grave et profonde pour le premier, aérienne et haut perchée pour le second) qui mêlent comme personne une pop ultra-mélodique à des rythmiques dansantes lorgnant vers la house et l’electro. Un rêve pour indie disco imaginé par deux nerds funky dont le nom, Hot Chip (puce -électronique- sexy), est une vraie déclaration d’intentions. Le duo s’est bien vite entouré d’autres musiciens pour devenir un vrai groupe, dont le guitariste et multi-instrumentiste Al Doyle, lequel officiera aussi à la guitare avec les cousins new-yorkais du LCD Soundsystem et le claviers Felix Martin. Et si les albums se succèdent (sept depuis « Coming On Strong » en 2004 jusqu’au dernier « A Bath Full Of Ecstasy », co-produit par le regretté Philippe Zdar en 2019) avec un contenu d’une qualité remarquablement constante, ce sont les singles qui emportent l’affaire. Tous les Anglais ayant assidument fréquenté les « Student Discos » se sont trémoussés chaque soir de 2006 sur Over And Over, puis en 2008 sur Ready For The Floor, leurs jeunes frères et sœurs ont fait la même chose sur I Feel Better en 2010, puis sur Night And Day en 2012. En 2019, leurs petits cousins ont sauté en l’air sur Hungry Child. Chacun de ces hymnes taillés pour le dancefloor présentant l’immense avantage, comme dans les meilleures productions de l’âge d’or du disco, de mettre une avant une mélodie imparable qu’on peut chanter en chœur. Et si les chansons plus clairement pop sont de plus en plus nombreuses sur les albums et qu’elles sont très au-dessus de la moyenne des productions du genre, Hot Chip plante sans coup férir et à chaque fois quelques banderilles dansantes irrésistibles.

En 2015, dans « Why Make Sense ? », ils en plantent au moins trois, Started Right, Need You Now et bien sûr Huarache Lights. Un solide tempo 4/4 avec charleston en folie (« four to the floor », la quintessence de la pulse disco) et des chœurs aériens forment le châssis où s’imbriquent des basses synthétiques et une lancinante plainte de guitare à la Robert Fripp pour entourer la voix céleste d’Alexis Taylor. Le riff de synthé au son distordu et à la progression mélodique inattendue donne toute sa spécificité à l’arrangement et ça marche parfaitement. Synthés qui s’affolent au niveau du pont où on entend un sample du classique funk proto hip hop Think (About It) de Lyn Collins (datant de 1972 et devant être le morceau le plus samplé de tous les temps) qui promet « I got something for your mind, Your body, and your soul, Every day of my life, Every day of my life » (j’ai quelque chose pour ton esprit, ton corps et ton âme, chaque jour de ma vie, chaque jour de ma vie), apportant ainsi le funk et la soul, éléments fondateurs de la dance music. La voix de Joe Goddard passée au vocoder rappelle de son côté Kraftwerk et aussi Daft Punk, évoquant la mutation électronique de la disco et peaufinant le subtil équilibre entre machinerie et humanité, comme l’avaient si bien réussi Sparks, Soulwax, LCD Soundsystem ou encore New Order. Cette chanson transmet de la joie en racontant l’extase que des musiciens ou des DJs peuvent générer et offrir à une foule qui ainsi se transfigure et devient osmotique grâce à la musique. Et franchement, comme expérience collective, connaît-on quoi que ce soit de meilleur ?

Live 2015 :