Huitième épisode de la Song Machine construite par Gorillaz (voir le Shot « Momentary Bliss »), « The Valley Of The Pagans » accueille Beck, lequel s’insère aisément dans l’ambiance cartoonesque du plus fameux groupe virtuel au monde.
L’ambition de la Song Machine est pour le triumvirat Gorillaz (Damon Albarn, composition, chant et instruments, Jamie Hewlett, illustration et Remi Kabaka, Jr., son et production) de multiplier les partenariats musicaux avec une palette d’artistes parfaitement éclectique, tout en conservant la signature sonore et stylistique de Gorillaz et d’accompagner chacune de ces chansons par un clip et un visuel, chaque chanson étant élaborée au Studio 13, antre londonien, terrain de jeu et d’expérimentation de Damon Albarn. Confinement(s) oblige(nt), seules les premières collaborations eurent lieu physiquement (pour mémoire, celles avec slowthai et Slaves pour « Momentary Bliss » (voir shot), celle avec Fatoumata Diawara pour « Désolé » et celle avec Peter Hook et Georgia pour « Aries »). Ensuite, ce fut une affaire d’échanges de fichiers et de vidéo-conférences. Pourtant, cette dématérialisation par la force des choses ne semble pas avoir desservi l’entreprise, tant le résultat est empreint d’une grande spontanéité. « Song Machine, Season 1 » présente donc un casting de rêve, unique dans l’histoire de la pop et unit légendes rock et pop et jeunes pousses hip-hop et grime dans un élan commun. Jugez un peu: à côté de légendes incontestées comme Elton John et Robert Smith et de personnalités pop arty comme St Vincent, Joan as Police Women et justement Beck, on trouve une star de la pop malienne (Fatoumata Diawara), le bassiste historique de Joy Division et New Order Peter Hook (quand même…), des figures de la scène grime britannique (Octavian, Skepta, Kano, slowthai) ou rap US (6LACK, JPEGMAFIA) un girl band japonais très hip (CHAI)… N’oublions pas le très culte Leee John (voix céleste du groupe disco Imagination) et feu Tony Allen, grand ami d’Albarn et maître des rythmes nigérian qui fit ici sa dernière session. Bien plus que dans « Humanz » , album à la distribution tout aussi hollywoodienne et pléthorique (SOTW #120) mais un poil surpeuplé, cette extrême variété ne saurait disperser la cohérence de « Song Machine Season 1 », sans doute car les invités se sont davantage impliqués dans le processus créatif et que le côté ludique toujours palpable ne cesse d’enthousiasmer. Dans chaque chanson, la voix plus ou moins trafiquée de 2D, avatar de Damon Albarn, égrène de mélancoliques mélodies contrastant avec l’énergie solaire des invités et ce contraste ravit autant qu’il donne sa vraie personnalité au Gorillaz Style.
Avec « The Valley Of The Pagans », Gorillaz permet à Beck de revivre la rutilante osmose pop funk qu’il avait réussie en 1999 avec « Midnite Vultures », l’un de ses tous meilleurs albums, comprenant les hits « Sexx Laws », « Nicotine & Gravy » ou « Debra ». Avec ses arrangements electrofunk enjoués légers comme une bulle de savon et une interprétation extravertie de Beck, qu’il rappe ou qu’il chante en fausset, ce titre est résolument up-tempo, une « good vibes song » qui tape dans le mille et donne instantanément envie de danser. Le riff de synthé über-catchy, les choeurs du dernier couplet traités au vocoder évoquent sans coup férir le « Let’s Groove » d’Earth, Wind & Fire et gonflent l’ambiance festive, un brin rétro-futuriste, synthèse parfaite de la rencontre artistique entre Damon Albarn et Beck… La vidéo, remarquable comme toujours chez Gorillaz, cite le jeu video Grand Theft Auto dans les rues de Los Angeles et recycle l’incroyable clip de « Stylo » , auto-référence qui donne un indice sur la suite des aventures de 2D, Noodle, Russel et Murdoc. En ces temps troublés, rarement virtualité pop n’aura été si essentielle.