SOTW #120 : Saturnz Barz, Gorillaz

C’était pour moi l’un des disques (sinon LE disque) le plus attendu de l’année. Et force est de reconnaître qu’après la surprise de la découverte, « Humanz » de Gorillaz tient complètement ses promesses, il reste vissé à ma platine, mon autoradio, mon iPod et ne semble pas prêt d’en décoller. Ce cinquième album du groupe cartoon fomenté par Damon Albarn à la musique et Jamie Hewlett au dessin et à l’animation ne ressemble pas aux précédents, tout en s’en nourrissant copieusement. Composé et réalisé en grande partie sur un iPad (comme l’intimiste « The Fall », faux album solo d’Albarn réalisé pendant la tournée américaine de 2010 sorti en bonus l’année suivante) mais enrôlant une liste de featurings longue comme le bras, « Humanz » est un instantané saisissant de pop moderne, radicalement actuelle et melting-pot de hip hop, de dancehall et de pop comme seuls les Anglais sont capables de générer. Et si l’on retrouve les apparitions aussi fugaces que médiatiques de Graham Coxon, le guitariste de Blur, de Jehnny Beth, la furieusement sexy chanteuse de Savages et de l’ancien ennemi intime Noel Gallagher, des légendes comme les divas Mavis Staples (soul) et Grace Jones (queer) ou le sorcier électronique Jean-Michel Jarre, le casting est résolument tourné vers le rap et les musiques « urbaines » (que je n’aime pas ce qualificatif…). De nouvelles pousses hip hop comme Vince Staples, des têtes chercheuse de la house music tel Peven Everett ou des futures stars R n’B comme Kali Uchis cassent la baraque, prouvant que M. Albarn garde les oreilles grand ouvertes et ne capitalise jamais sur la nostalgie. Qu’il en soit loué! Enfin, les piliers de Gorillaz et rappers New-yorkais De la Soul sont évidemment de l’aventure, pour un revigorant « Momentz » d’anthologie.

L’ambition de ce projet, inspiré et épouvanté par le Brexit et l’irrésistible montée des nationalismes et du protectionnismes un peu partout, était de créer la musique d’une party de fin du monde. Dansons avant que tout s’écroule… L’ambiance de « Humanz » est donc aussi groovy que dystopique, voire étouffante, et le résultat est à la hauteur des attentes. Comme « Saturnz Barz« , second single de « Humanz » après la protest song « Hallelujah Money » chantée par Benjamin Clementine, pour lequel Damon Albarn a fait appel à l’étoile montante du dancehall jamaïcain, Popcaan. Sa voix pervertie par l’AutoTune (incroyable, j’arrive à trouver ça pertinent et classe dans ce contexte) chante en patois, déborde de vitalité sur ce tempo reggae funèbre et croise sur son chemin un choeur gospel qu’on jurerait chanter le thème d’une B.O. de film d’horreur et la voix désabusée « nearly not there » de 2D, avatar de Damon Albarn, distordue et mélancolique.

« Saturnz Barz », sans être évidente à la première écoute, s’avère être l’une des chansons les plus lancinantes et obsédantes de « Humanz » et est en somme le reboot 2017 du plus grand tube de Gorillaz, l’immarcescible « Clint Eastwood », qui avec ses mélancoliques phrases de melodica, son chant absent, sa vibe reggae et le rap gourmand de Dal The Funky Homosapien avait posé les tables de loi de la formule Gorillaz.

Le clip en 360° est une perle novatrice, esthétique et divertissante, le live donne l’eau à la bouche. Je serai, en novembre, devant la scène à Genève.

Live à Londres, mars 2017 :