SOTW #174 : Boys in the Better Land, Fontaines D.C.

Divers éminents contributeurs à la Culture de l’Ecran ont annoncé la bonne nouvelle depuis longtemps, le rock semble avoir retrouvé du lustre ces derniers temps, en particulier dans les Îles Britanniques. Initié par le punk arty et complètement incontrôlable des merveilleux Fat White Family (à retrouver dans les SOTW #33 et SOTW #80), ce renouveau prend même une ampleur irrésistible grâce à des groupes comme IDLES, Shame (mes favoris en titre, voir la SOTW #137) et aujourd’hui Fontaines D.C., jeune formation venue de Dublin qui à elle seule replace la capitale irlandaise sur la carte des villes qui comptent musicalement. 

L’Irlande suinte dans le  « brogue » (accent irish) du chanteur Grian Chatten, lequel entretient avec fierté ce fort particularisme. Jeune homme de Dublin, ville de James Joyce, il écrit de la poésie (c’est un inconditionnel de T.S. Eliot) et la décline en chanson, tout en faisant preuve d’un nihilisme punk de bon aloi. Accroché à son pied de micro comme à une béquille, les yeux exorbités, Grian Chatten a du charisme à revendre et devrait, selon toute logique, devenir une star. Ses quatre petits camarades ne déméritent pas, balançant un post punk urgent et hypnotique, redevable à l’after punk britannique. Foin de nostalgie, Fontaines D.C. revendique l’influence déterminante de Girl Band, groupe ainé de Dublin, grand déconstructeur de punk.

Le style Fontaines D.C. ne déroge pas à la doxa punk rock, avec section rythmique qui part à l’assaut, basse tendue jouée au médiator et guitaristes duellistes au son abrasif et parfois bruitiste (mention spéciale au « soliste » Conor Curley, juste impeccable). « Boys In The Better Land » pourrait être une chanson rock lambda, avec son départ à la guitare acoustique, mais l’accent de Dublin et l’abattage vocal du maître de cérémonie Grian Chatten, à la fois plein de détachement et de morgue, fait la différence. Entre chant et talk over, les trouvailles de diction pleines de personnalité (« Saying « Sister, sister, how I missed ya, missed ya, let’s go wrist to wrist and take the skin oot my blister » If you’re a Rock star, porn star, superstar, doesn’t matter what you are, get yourself a good car, get outta here », scande t-il dans le pré-refrain et le public à coup sûr le chantera par coeur avec lui…), on tient une chanson rock fédératrice, avec ce supplément d’excitation que seul le punk sait diffuser. On ne boudera pas son plaisir !

Single avant-coureur d’un premier album « Dogrel », intensément attendu pour ce printemps, « Boys In The Better Land », au même titre que le single suivant « Too Real » est une bien belle carte de visite pour Fontaines D.C., groupe sur lequel il faudra compter.

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