SOTW #158 : Humility, Gorillaz

En ce torride milieu d’été, quoi de tel pour se rafraîchir les oreilles qu’une chanson funky et laidback , assurément cool et qui fera merveille comme B.O. de vos apéros au bord de la piscine comme des couchers de soleil sur la plage. Damon Albarn a une nouvelle fois surpris son monde en dégainant sans préavis un nouvel album de Gorillaz « The Now Now » fin juin, à peine plus d’un an après avoir sorti le colossal « Humanz ». Le groupe virtuel le plus célèbre de la planète assurant d’ailleurs toujours les nombreux concerts promouvant ce disque. L’homme derrière la musique de Gorillaz a en effet trois bonnes raisons d’être aussi pressé. « Humanz », disque qui aligne les collaborations prestigieuses, véritable showcase de tout ce qui se fait de plus pointu en musiques pop, hip hop, dancehall et R n’B a laissé beaucoup de fans dubitatifs (ce n’est pas mon cas, j’ai complètement adhéré à « Humanz » après quelques nécessaires écoutes approfondies. Pour mémoire le single « Saturnz Barz était la SOTW #120). Car en effet Damon Albarn (enfin, son avatar cartoon Stuart Pot, alias 2D) y semblait relégué au second plan, laissant poliment les invités s’emparer du micro. Ce n’est pas le cas dans « The Now Now », où les featurings sont rares (Jamie Principle et Snoop Dogg pour le groovy « Hollywood », Graham Coxon à la guitare sur « Magic City » et le légendaire guitariste de jazz George Benson sur cette « Humility », on y revient plus loin). Deuxio, Albarn écrit en tournée pour tromper l’ennui qu’il ressent hors des concerts, et comme il l’avait fait en composant « The Fall » sur la tournée Plastic Beach en 2010, il a écrit « The Now Now » sur son iPad, dans des chambres d’hôtel à Zurich, dans le Kansas ou ailleurs. Tertio, cela donne de nouvelles chansons à jouer en live, bousculant la routine bien huilée des longues tournées.

A la différence de « Humanz », « The Now Now » est un disque très intime, réalisé avec une équipe réduite (le producteur anglo-nigérian Remi Kabaka, celui d’Arctic Monkeys James Ford qui assure aussi les batteries, Albarn, et bien sûr son complice Jamie Hewlett, responsable du pôle design, illustrations et films chez Gorillaz). Et si « Humanz » était la bande-son idéale d’une bringue de fin du monde, « The Now Now » est un disque plus calme, plus introspectif, plus pop aussi. En fait, c’est la suite logique de l’excellent album solo de Damon Albarn, « Everyday Robots » sorti en 2014 (tiens, la sublime chanson éponyme était la SOTW #3), au contenu insidieusement mélancolique, comprenant de très jolies chansons (« Fire Flies », « Kansas », « Idaho » ou encore « Souk Eye ») mais aussi, on est chez Gorillaz, des bombinettes dansantes légères comme des bulles de savon (« Lake Zurich » et ses cowbells déchainées, la très pop rock « Tranz » ou justement « Humility »). Baignée de soleil, cette chanson au tempo chaloupé invite à se dandiner irrésistiblement. Les « Oh Yeah » en falsetto fédérateurs, le riff de synthé au son charnu mais avant tout les savants entrelacs de guitare de George Benson (oui, celui de l’immarcescible « Give Me The Night »), vétéran jazzman américain au toucher si particulier donnent à « Humility » cette touche hédoniste qui va si bien avec l’été. Toutefois, le texte contredit la légèreté de l’ensemble, Albarn appelle les autres à la rescousse, ne veut plus souffrir de l’isolation qu’impose la vie moderne. Comme toujours chez Gorillaz, le fond est toujours sombre quand bien même l’emballage musical peut sembler guilleret.

Et puisque Gorillaz est avant tout un groupe virtuel, avec ces personnages qu’on suit depuis maintenant dix-sept ans et qui évoluent au même rythme que la musique, le visuel de « The Now Now » et d' »Humility » appuie le discours. Ainsi, comme pour « the Fall », seul 2D apparaît sur la pochette, comme pour appuyer le fait que cette fois-ci, Damon Albarn est le seul protagoniste de l’affaire. Et si Noodles (guitariste japonaise devenue femme sexy) et Russell Hobbs (batteur noir du Bronx) accompagnent 2D dans l’aventure, on aperçoit en tant que nouveau bassiste un certain Ace au look goth qui assure l’intérim de Murdoc Niccals, cerveau dérangé et atrabilaire de Gorillaz, chef incontesté du projet actuellement sous les verrous, conséquence de dangereuses accointances avec le baron de la drogue El Mierda… Ce qui l’a empêché de harceler son souffre-douleur 2D pour cet enregistrement. Cohérence absolue de l’univers Gorillaz, s’il fallait encore le prouver !

Live festival Rock am Ring, 2018 :