SOTW #151 : This is America, Childish Gambino

Au moment où je rédige cette nouvelle Song of the Week, le clip de « This Is America » aura été vu plus de cent-quatre-vingt millions de fois sur YouTube. Force est de reconnaître que celui-ci vous laisse pantelant, voire K.O., tant le message diffusé est puissant, évoquant en gros l’extrême dureté de la condition de l’Homme Noir dans les Etats-Unis de Donald Trump, fait en contradiction avec la prégnance de la culture noire américaine dans la pop culture occidentale. Ce clip virtuose allie ces deux extrêmes, présentant un Donald Glover, ou plutôt son alias Childish Gambino halluciné, impénétrable derrière un sourire narquois, enchaînant de brillantes chorégraphies inspirées par des danses découvertes dans les townships sud-africains. Le tout parvient à distiller un vrai malaise.

Donald Glover est un entertainer reconnu aux Etats-Unis et ailleurs. Il triomphe comme acteur dans la série de comédie basée sur sa ville « Atlanta », joue dans le dernier Star Wars et les plateaux de télé américains, surtout les bons tels Saturday Night Live se l’arrachent. Son alter-égo musical Childish Gambino avait connu le succès avec un troisième album solidement ancré dans la soul et le funk, « Awaken! My Love » dont est issu le tube über-sexy « Redbone » (SOTW #105). Avec « This Is America », on assiste au reboot de Childish Gambino, incarnation dont Glover se déclarait lassé il y a encore peu de temps. Avec ce retour, il semble vouloir boxer dans la même catégorie que les poids-lourds du genre, tel Kendrick Lamar, utilisant son art pour transmettre un message politique, avec finesse et pertinence. Avec ce titre et surtout cette vidéo, Glover symbolise avec éloquence et une rare efficacité la position de funambule qu’est obligé d’adopter l’artiste Noir Américain, entre porte-voix d’une communauté opprimée et star immensément populaire, et surtout auprès du public blanc.

Musicalement, « This Is America » fait aussi un grand écart. Le chant liminaire, simplement accompagné d’une modeste guitare acoustique nous ramène immédiatement dans les chants de coton, et plus loin encore vers l’ancestrale Afrique avant de céder brutalement la place à une rythmique trap (musique dont le berceau est Atlanta, et où s’incrustent les raps ironiques ou inquiets de stars du genre, Young Thug, Quavo ou Slim Jxmmi (l’un des deux frères de Rae Sremmurd). La voix de Glover servant de pont entre ces deux rives de la musique afro-américaine, alternant le côté très pince-sans-rire de son flow rap et l’exubérance de ses cris et de son chant. Un choeur gospel sert de liant tout en respectant le cahier des charges « Black music only ». C’est un coup de maître qui pointe numéro un dans les charts américains et réussira enfin à installer Donald Glover à la place qu’il mérite chez nous aussi.

La performance live ci-dessous, si elle est beaucoup plus statique que celle du clip, n’en est pas moins puissante et spectaculaire. Homme d’image, homme de musique, homme de scène, Donald Glover est l’entertainer le plus excitant du moment.

 

Live TV Saturday Night Live :