Donald Glover est un entertainer multi-cartes… Auteur, acteur, comédien de stand-up, compositeur, rapper, chanteur, ce jeune trentenaire originaire de Géorgie semble doué pour tout ce qui touche au spectacle. On l’a vu à l’écriture de la sitcom « 30 Rock », il cartonne actuellement comme acteur dans la série « Atlanta », pas encore diffusée en France (il a brillé aussi dans « Community », il a joué un petit rôle dans « Girls ») et on le verra bientôt dans des blockbusters (les prochains Star Wars et Spiderman). Mais aujourd’hui, c’est le musicien qui nous intéresse. Et c’est sous l’incarnation Childish Gambino que Donald Glover s’empare du micro. Fin 2016, son troisième album sous cet alias est sorti et fait grand bruit. « Awaken, My Love! » rompt avec le rap énervé (son premier album « Camp » en 2010) comme avec le R n’B introspectif (« Because The Internet », en 2013) pour embrasser une soul funk à l’ancienne sous haute influence George Clinton et Prince.
Cet hyperactif réussit à créer un funk punchy et cohérent, aux beaux instrumentaux très musicaux et ça s’entend dans la perle de ce bon album « Redbone », un mid-tempo très sensuel aux accents gospel que Childish Gambino interprète intégralement en falsetto. Sans rire, ce style de chant est spécifique à la soul et au funk, et à ses versions modernes comme la disco ou le R n’B. Cette voix de tête (de fausset…) androgyne et sexy à la fois a été utilisée en chant principal (et pas seulement pour les choeurs, comme c’était le cas jusqu’ici) dès les années 60 par des soulmen comme Smokey Robinson (the Miracles) ou Eddie Kendricks (the Temptations). Prince a chanté un bon tiers de son répertoire en fausset. Et si les Bee Gees ont eu autant de succès au sein du public black avec « Saturday Night Fever », c’est sans doute parce qu’ils cherchaient à imiter ces chanteurs soul en passant au falsetto, et tout au long de la même chanson. Aujourd’hui, des artistes musicalement transgenre comme Justin Timberlake, Pharrell ou Beck n’ont pas peur de chanter en fausset, l’effet délicat de cette voix pseudo féminine contrastant souvent avec le côté viril des rythmes et surtout des paroles… (Note en forme d’auto-dépréciation: Je n’ai jamais su, jamais pu chanter en falsetto…)
Childish Gambino utilise le falsetto tout au long de « Redbone » pour ces multiples raisons. Le texte parle d’une entreprise de séduction d’une façon ouvertement sexuelle. Le morceau est bâti en « slowburn », la tension de l’interprétation vocale comme musicale croît tout au long de la chanson, les contrechants gospel marquant des accents aériens, l’instrumentation devient de plus en plus luxuriante et les guitares doublées de synthétiseur ont un effet orgasmique à la fin du morceau. Comme souvent avec ce genre musical, la frontière entre la grâce et le mauvais goût est ténue, mais quand c’est bon, c’est… Torride. Chauffé au rouge, comme ce « Redbone »…