Cela fait vingt ans que The Hives est le meilleur groupe de scène du monde. En studio, on ne peut pas dire que les suédois aient déçu non plus. Six albums qui s’écoutent comme des bolides – des riffs inoubliables, des singles accrocheurs à vous faire chopper des crampes en jouant de la guitare imaginaire. Il n’empêche que « Tyrannosaurus Hives » n’a pas tout à fait la même saveur que les autres disques de cette joyeuse bande d’excités scandinaves. Plus métallique, plus brutal aussi, ce troisième album marque l’entrée du combo dans le monde des majors avec un contrat juteux chez Polydor, qui vient de piger que le rock est entrain de s’offrir une nouvelle jeunesse avec l’éclosion de la scène garage en « The ». Finis les labels indépendants et les tournées en mini-bus bon marché, voilà donc un monument de l’underground propulsé dans une nouvelle dimension. Emmené par des frangins Almqvist plus excités que jamais, le groupe se résout à jouir de son nouveau statut. Pour la première fois de leur carrière, The Hives, les ruches en anglais, prennent le temps de produire leur nouvel album. Ils réfléchissent, tentent de nouvelles choses, et s’inventent un son froid qui diffère des aspirations sixties façon Troggs qui avaient fait leur réputation depuis une décennie. Le groupe à le temps, et décide de retourner dans sa toundra natale, à Fagersta, un bled gelé perdu au milieu des sapins, pour élaborer un successeur à la compilation « Your New Favorite Band ». « Abra Cadaver » donne le ton. Les tempos sont rapides et les titres défilent, plein électricité. Avec « Walk Idiot Walk », ces amoureux du garage rock des pionniers réinventent le style, saccadé, cérébral et glacial. Tels des robots, The Hives pondent des riffs à la Devo, défiant ainsi toute concurrence (« B Is For Brutus », « See Through Head »). Ils s’essayent même au blues rock sur la décapante « Diabolic Scheme », sorte de slow blues à la Frankenstein, loufoque et tellement bien amené. « Love in Plaster » et ses accents new wave montrent que le groupe suédois est bien plus qu’une pale copie de The Sonics. Sans perdre une approche résolument pop du rock n’roll, The Hives fait preuve d’un éclectisme fort appréciable sur cet album à l’esthétique inoubliable. Voilà donc un album totalement fun qui fait rentrer un peu plus le combo suédois dans la légende.
Année : 2004
Origine : Suède
Pépite : « Walk Idiot Walk »
Eat : Glace à la pistache
Drink : Vodka à l’herbe de bison
Big Star n’est pas tout à fait un groupe comme les autres. Ses fans non plus. La formation au destin tragique, qui comptabilise deux des albums les plus fins des seventies, est l’objet d’un véritable culte chez tout mélomane averti. Comment ne pas fondre pour la délicatesse du folk rock envoûtant de Chris Bell et Alex Chilton, duo prolifique et sous estimé. L’histoire commence à Memphis, cité au croisement musical du Delta blues, de la soul et du rock, logée sur les bords du Mississippi. Obsédé par The Beatles et toute la British Invasion, le combo sort un premier album en juin 1972. Signé chez Ardent Records, Big Star galère pour s’imposer sur le circuit nord-américain. En effet, le label appartient à la maison de disque Stax, habituée à lancer des artistes soul. Ardent a bien du mal à faire presser le disque, qui ne s’écoule qu’à 10,000 exemplaires. Malgré ce bide monumental, le groupe continue de croire en son étoile. Pourtant, l’ambiance est épouvantable. La dope ronge les musiciens qui ne peuvent plus s’encadrer. Fin 1972, Bell jette l’éponge et la formation fait une pause de quelques mois. Après mûre réflexion, Chilton relance le projet Big Star sans son compagnon de route. Big Star reprend de l’activité sous la forme d’un power trio et s’enferme dans les Ardent Studios pour bosser sur un nouvel album. Malgré l’absence de Bell pendant les sessions, son influence reste palpable. C’est lui qui signe « O My Soul » et « Back of Car », laissant ainsi son empreinte sur l’enregistrement de « Radio City ». Disque mélancolique, aux nappes de guitare planantes et aux arrangements ingénieux, ce deuxième album de Big Star nous plonge dans un univers électrique qui rappelle « Revolver » des Beatles et The Byrds. Plus efficace que jamais, le trio décide de tout enregistrer en live, ou presque, donnant ainsi une fraîcheur nouvelle aux compositions. Sur des titres comme « Way Out West » et la très dylanienne « Yoy Get What You Deserve », la demi-caisse de Chilton donne la chair de poule. Ses descentes d’accords aussi. Songwriter visionnaire, à la sensibilité pop remarquable, il se distingue sur la magnifique « Life Is White », à vous faire verser une larme dans votre bourbon un soir de blues. La très sixties « September Girls » annonce le début de l’heure de gloire de la power pop américaine, dont on retrouve l’influence dans des formations comme Cheap Trick ou The Posies vingt ans plus tard. Malheureusement, la malédiction aura raison du groupe. En conflit avec Columbia Records, en charge du catalogue de chez Stax, Big Star ne vendra que 20,000 exemplaires de son deuxième effort qui ne bénéficiera d’aucune promotion. Peu importe, « Radio City » est aujourd’hui un objet culte du rock américain.
Année : 1974
Origine : Etats-Unis
Pépite : « Life is White »
Eat : Caesar Salad
Drink : Blanton Single Barrel
Pas besoin de rappeler que l’Australie est une grande terre de rock. Rose Tattoo, Nick Cave, AC/DC, Radio Birdman, Courtney Barnett… nombreux sont les artistes à avoir porté leur pierre à l’édifice. A la fin des seventies, le punk débarque comme un électrochoc au pays des kangourous. The Saints éclot à Brisbane, dans le sud du Queensland. Emmené par un chanteur charismatique, le groupe se fait vite un nom dans les pubs du coins. Un premier album arrive dans les bacs en 1976. « I’m Stranded » passe complètement inaperçu. Pourtant, à Londres, le disque plait aux majors qui y voient de nombreuses similitudes avec la hargne des Sex Pistols et The Damned qui font un carton au même moment. L’album est réédité EMI et propulse le groupe sur le devant de la scène. Deux ans plus tard, l’effervescence punk retombée, le groupe, toujours basé au Royaume-Uni, retourne vers ses premières amours. Plus soul, plus stonien, « Eternally Yours » reste considéré comme l’album de la maturité de la formation océanienne. Voici donc leur « Exile On Main Street », qui démarre sur un riff ravageur doublé par un gimmick de saxophone inspiré. En effet, sur « Know Your Product », on croirait retrouver les grands Rolling Stones à leur sommet. Chris Bailey se prend pour Jagger. Son chant totalement crâneur swingue sur la guitare rugueuse d’Ed Kuepper. Pas étonnant que le génial King Khan et ses Shrines reprennent ce titre puissant en concert. « Lost and Found », « Private Affair » et « No Your Product » imposent The Saints comme le groupe de punk australien le plus frontal de sa génération. A la différence de Radio Birdman, les saints la jouent simple, sans fioriture, et récitent leur garage punk avec économie. Un retrouve un brin de mélancolie sur les excellentes « Memories are made of This » et « This Perfect Day », cette dernière apparaissant également sur une compilation des danois de Baby Woodrose sortie en 2004. A l’époque de sa sortie, le magazine Roadrunner applaudissait le groupe. La publication australienne jugeait que le séjour intensif de The Saints à écumer les salles et squats londoniens avait fait du quatuor une machine huilée pour la scène. En effet, « Eternally Yours » est un solide disque de rock n’roll dans ce qu’il a de plus pur. Pas étonnant que Kurt Cobain le cite dans la première moitié de ses cinquante albums préférés. Tout simplement exquis.
Année : 1978
Origine : Australie
Pépite : « Know Your Product »
Eat : Un steak d’autruche
Drink : Aussie cocktail (rhum, cointreau, jus de citron, fruit de la passion)