Les puristes lui préfèrent « Screamadelica », oeuvre bien plus déjantée et ambitieuse. Pourtant, « Give Out But Don’t Give Up » est un véritable shot de classic rock, une gifle qui sent bon la Gibson Les Paul et le mur de Marshall, les vieux riffs de la période américaine des Rolling Stones et le groove des géants de la musique noire. Pour déceler ce genre d’ambiance, les Ecossais de Primal Scream décident d’enregistrer leur quatrième album à Memphis, la ville d’Elvis et de Big Star. Sous le soleil du Tennessee, le groupe emmené par le très virulent Bobby Gillespie rompt avec la grisaille Glaswegian. En manque d’inspiration, le groupe décide de puiser dans ses racines. Finis les samples et innombrables boucles psychédéliques flirtant avec la house et l’acid rock, le band ressort ses vieux vinyls du MC5, Parliament, Funkadelic, le tout en se disant qu’eux aussi pourraient sortir leur propre « Exile On Main St ». Bon, n’est pas la paire Jaggers-Richards qui veut, mais le résultat est plus qu’encourageant. Le single « Rocks » a tout du tube blues rock parfait. Un riff lourd , un refrain entraînant, et des choeurs soul qui donnent une véritable couleur locale au son des Britanniques. Avec un certain culot, Gillespie et son gang font le pont entre les Stones, T-Rex et Slade à coups de clavier boogie et de méchantes licks bluesy. On en redemande. Même chose sur « Jailbird », qu’aurait facilement pu se retrouver sur un disque des Black Crowes avec son léger côté Southern rock. Avec « Get A Little Funky », Primal Scream rend hommage à George Clinton, considéré comme le parrain de la musique funk avec Sly Stone et James Brown. Le frontman de Funkadelic viendra même faire une apparition remarquée sur le disque. Équipé de toute une armée de choristes, le groupe s’essaye même à la ballade soul, avec plus ou moins de bon goût (« Free »), quand il ne s’agit pas de sortir l’orgue hammond et la guitare slide (« I’ll Be There For You », « Sad and Blue »). « Give Out But Don’t Give Up » fait parti de ses albums britanniques dressant un certain portrait d’une Amérique fantasmée dans ses clichés les plus extrêmes, donnant un charme tout particulier à ce disque complètement passéiste et conventionnel. Bon, et puis soyons honnête, qui n’a jamais rêvé de monter sur scène pour empoigner une guitare et faire sautiller des milliers d’allumés en interprétant le riff d’intro de « Rocks » ? On en oublierait presque la pochette douteuse.
Année : 1994
Origine : Royaume-Uni
Pépite : « Rocks »
Eat : Chicken Wings
Drink : Jack&Black (Whisky, Sirop de mûre, Limonade)
Pièce maîtresse du punk rock américain, « Sorry Ma, Forgot To Take Out The Trash » marque un tournant dans un genre musical qui commence à subir de profondes transformations. On est une demi-décennie après le premier album des Ramones et du côté du Minnesota, le scène New Yorkaise à fait des émules. Oui, The Replacements ont usé des disques des Heartbreakers, Dictators et Dead Boys. La paire Paul Westerberg-Bob Stinson connaît parfaitement le registre joué au CBGB, et décide d’y ajouter plus de mélodie sans pour autant remettre en question l’approche brute des groupes qui ont fait la renommée du célèbre club logé au 315 Bowery, en plein Manhattan. Cette rage adolescente, mêlée à la frustration d’avoir grandi dans un coin des States où il ne se passe pas grand chose, s’entend dès les premières accords de guitare de « Takin A Ride », « Careless », « Love You Til Friday » ou « Rattlesnake ». Ceux qui ont vu le fantastique long-métrage « Fargo » des frères Coen, tourné dans les plaines gelées de cet état réputé pour ses lacs et son blizzard hivernal comprendront de quoi il s’agit. Les jeunes membres du groupe s’ennuient fermement. Les tempos rapides des chansons, qui dépassent rarement les deux minutes, permettent au combo du Midwest d’aller droit au but. Pas de fioritures, mais des hymnes à scander bière à la main dans le fond d’une salle bondée. Les guitares ultra-tranchantes rappellent étroitement le style mis au point par Johnny Thunders et ses New York Dolls dix ans auparavant (« More Cigarettes »). Sur « Kick Your Door Down », les musiciens du Midwest innovent, en mélangeant urgence et sonorités plus sombres, à l’instar de ce que proposent The Wipers sur la côte ouest. On retrouve cette combinaison savante sur « Shiftless When Idle » et ses parties de guitares sucrées. Avec leurs compatriotes de Hüsker Dü, le band de Minneapolis dont il est fait référence sur le titre « Something To Dü », The Replacements façonnent les prémisses du punk hardcore nord américain. Rapide, efficace et énervé, « Sorry Ma, Forgot To Take Out The Trash » est sans un aucun doute l’un des albums les plus essentiels de ce début des années 1980. Un bijou du punk rock américain, trop rarement cité.
Année : 1981
Origine : Etats-Unis
Pépite : « Takin A Ride »
Eat : Mac N’Cheese
Drink : Sapont (Anisette au sapin)
Je me souviens du jour où j’ai entendu parler des Arctic Monkeys pour la première fois. J’arrivais dans la cour du lycée, quelques mois avant le bac, et tout le monde commença à me bassiner avec leur premier album. Pas que la musique soit désagréable, ce qui me dérangeait profondément, c’était cette attitude de petits morveux anti-rockstar, ce look improvisé fait de survêtements et de baskets ringards, genre on a de l’acné et on te laissera te droguer salement avec tes tatouages pendant qu’on envahira les ondes radios du monde entier avec nos dégaines d’éternels losers. Quand on a grandi sous des posters des frangins Gallagher et de Keith Richards, laissez moi vous dire que ça fait bizarre. Et puis le temps a fait les choses. Les années ont passé et les petites frappes indolentes de Sheffield ont fini par grandir. Après une rencontre clé avec Josh Homme, Alex Turner et sa bande ont changé de cap sans rien perdre de leur fraîcheur. Ils ont durci le ton, poli leur mélodies, et adopté une carrure à la hauteur de leurs ambitions. A l’approche de la trentaine, ils n’ont plus grand chose des minots qu’ils étaient, sauf peut-être ce réel génie de raconter l’Angleterre comme personne. Au fil du temps, Turner s’est imposé comme un des paroliers et frontmen les plus exquis de sa génération, sachant jongler entre chroniqueur social d’une jeunesse rosbif moribonde et rockstar ultime pleine d’insolence. Il faut dire que la moitié de Miles Kane au sein des succulents Last Shadow Puppets repose sur des bases solides. Le travail de Matt Helders derrière les fûts ainsi qu’aux choeurs est impressionnant de justesse. Sans tourner le dos à leurs racines, les lads du Yorkshire arrivent à mélanger influences rn’b modernes (« One For The Road », « Why’d You Only Call Me When You’re High ») et rock puissant (« Do I Wanna Know », « R U Mine ») avec brio. Voilà de la vraie pop moderne à guitares, fine, inspirée, produite ingénieusement, la seule capable de rivaliser avec les tubes bubblegums des divas aseptisées de MTV. On aurait bien tort de s’en priver.
Année : 2013
Origine : Royaume-Uni
Pépite : « Fireside »
Eat : Donuts au chocolat
Drink : Pabst Blue Ribbon