Alors que le cinquième album de Stuck in The Sound, « Billy Believe » s’apprête à sortir et que le groupe embarque pour une tournée qui démarrera à New York, la Culture de l’Ecran a eu la primeur d’une très cordiale conversation téléphonique (on dit « phoner » dans le milieu…) avec François Ernie, batteur du groupe parisien depuis les débuts de celui-ci, en 2002 pour parler de tout ça…
Qui est ce Billy Believe ?
François : C’est ce personnage fictif dessiné sur la pochette qui représente celui qui s’exprime dans ce disque, un rêveur romantique dans un monde qui a tendance à partir en couille. Et grâce à son imagination, il trouve la magie et l’amour dont il a besoin. C’est aussi un hybride des membres du groupe, un éternel ado qui dégage une pure énergie rock. On a trouvé que c’était une bonne illustration pour cet album.
Après le single « Badroom » et le premier extrait « Vegan Porn Food », deux chansons très bagarreuses, on aurait pu s’attendre à un album assez dur. « Billy Believe » est au contraire très nuancé tout en étant bien plus cohérent que le précédent « Survivor » (2016) qui par ses ambitions ouvertement pop était un peu décousu malgré quelques chansons très fortes.
François : Je partage ton interprétation. Ces deux chansons ont une couleur post-hardcore (ADN du groupe depuis ses débuts, NDLR) mais « Billy Believe » est plutôt dans la directe continuité de notre album « Pursuit » (2012), avec envolées mélodiques et énergie rock, et, plus qu’un retour aux sources, il nous a permis de retrouver l’émotion musicale que nous avions ressentie en créant nos deux premiers albums.
Et d’où vient la cohérence de « Billy Believe » ?
François : Ce n’est en aucun cas un concept album même s’il y a un lien entre ces morceaux. On les a composés dans notre studio à Montreuil ces deux dernières années, ça vient peut-être de là. Mais au niveau des ambiances, les chansons sont toutes très différentes les unes des autres.
J’ai été très surpris par « Forever Days », qui ouvre l’album. Jamais José n’avait chanté d’une façon aussi retenue pour un résultat pop à l’anglo-saxonne très réussi…
François : C’est cool que tu penses ça, c’est notre chanson favorite de l’album… Et on est très heureux qu’elle en soit le premier titre. Elle traînait sur un disque dur depuis des années, on l’a ressortie à la fin des séances, pour voir, et ça nous a semblé évident de l’inclure. Pour le coup, c’était complètement spontané.
Une autre chanson irrésistible sur « Billy Believe », c’est « Alright » avec ces couplets hardcore et ces refrains exubérants évoquant le highlife ghanéen qui devrait être l’un des grands moments des futurs concerts.
François : On aime vraiment ce mix post punk et refrain africain très dansant, c’est assez inédit je crois.
Le clip en animation reprend l’esthétique japonisante de ceux de « Brother » et « Let’s Go »…
François : Oui, c’est en quelque sorte la continuation (celui de « Let’s Go » comptabilise 57 millions de vues sur Youtube, « Alright » déjà un million, installant la même ambiance dystopique avec robots à la Goldorak, NDLR). Ces clips sont devenus l’une de nos images de marque, elle est assez forte.
Quatre d’entre vous (Arno Bordas le bassiste, Emmanuel Barichasse le guitariste, le chanteur et guitariste José Reis Fontão et toi-même) êtes ensemble depuis la formation de Stuck In The Sound en 2002 (l’ingénieur du son Romain Della Valle ayant intégré pleinement le groupe aux claviers et à la guitare en 2015). Une telle constance est assez rare pour un groupe de musique.
François : On n’y pense pas souvent mais c’est vrai. La cohésion entre nous est toujours là quand on est sur scène ou en studio, même si on s’engueule et qu’on ne se supporte pas parfois, le lien est plus fort que ça. Et on rigole toujours beaucoup ensemble.
Pas facile de faire du rock en France aujourd’hui…
François : Non, ce n’est pas le style à la mode, c’est évident. Ni sur les ondes, ni dans les salles. Mais j’aime à penser que c’est cyclique et que le goût du public reviendra vers le rock… ou pas ! Dès le départ, on n’est pas dans le pays où c’est le plus facile, surtout quand on a choisi de chanter en anglais. Mais quand on fouine un peu, on constate que plein de choses se passent en rock en France, beaucoup de jeunes groupes qui font des trucs géniaux… On a été privilégiés d’avoir une carrière qui a démarré fort et d’avoir rassemblé un public très fidèle, c’est pour ça qu’on est toujours là. Maintenant, c’est chose banale aujourd’hui de partager la scène avec un artiste qui arrive sur scène seulement muni de sa clé USB, et qui casse la baraque…
Justement, cette tournée attaque aux Etats-Unis. Comme vous perçoit-on à l’étranger ?
François : Eh oui c’est super, le premier concert de la tournée (en mars) aura lieu à New York puis on a trois dates au Texas. En regardant les chiffres des streamings de nos albums, on a constaté que la France n’arrivait qu’en cinquième position, on en a même davantage au Royaume-Uni ! On nous aime donc plutôt bien à l’étranger et il est logique qu’on aille jouer dans ces pays où il y a une demande pour nous et où on n’allait jamais. On a aussi des dates prévues en Allemagne en septembre…
Et vous marchez très bien en Amérique du Sud…
François : Oui, particulièrement au Brésil et au Mexique. Ils ont un vrai goût pour le rock là-bas, et il faut qu’on y joue !
Votre puissance de feu scénique est un de vos plus grands atouts. Qu’est ce qui vous fait vraiment kiffer en concert ?
François : Il y a une bonne alchimie entre nous et c’est certain que le public le ressent. Un concert pour nous est un moment de partage. On est heureux de jouer du rock très fort ! En plus, avec maintenant cinq albums, on dispose d’un large répertoire qui nous autorise à approcher la setlist idéale, où figurent forcément les chansons qui font exulter le public (telles les incroyables « Bandruptcy » ou « Toy Boy », cartons assurés à chaque concert, NDLR).
Je vous ai applaudis trois fois à Besançon et je dois avouer que le dernier concert (en février 2018) fut bouillant…
François : On a un truc avec Besançon, le feeling entre le groupe et le public y est réciproque, et ça nous laisse à chaque fois d’excellents souvenirs. Notre public là-bas est hyper-présent, réagit comme un seul homme. C’est génial. Ajoutons à ça qu’on est à chaque fois très bien reçus (à la Rodia, NDLR) et que ça se termine toujours par une grosse fête…
Vous vous êtes séparés de votre label, Columbia pour monter le vôtre, BEAM !
François : Ça ne s’est pas bien passé entre cette major company et nous, personne n’a trouvé son compte dans ce partenariat. Les gens qui nous avaient signés n’étaient plus là deux mois plus tard, et on n’avait plus d’interlocuteur bienveillant. On avait donc très envie de reprendre notre indépendance, d’être nos propres producteurs. On a enregistré et réalisé nos trois derniers albums dans notre studio à Montreuil et ça nous convient parfaitement.
Stuck in the Sound est un groupe déjà vétéran. Avez-vous des héritiers dans la scène française ?
François : Pas vraiment directement, mais on a un lien très fort avec Lysistrata (jeune trio saintongeais chantant en français et mêlant math rock, emo et hardcore, NDLR) qu’on aime beaucoup. Romain a enregistré et mixé leur premier EP.
Et qu’est-ce qu’écoute Stuck In The Sound en 2019 ? Quelques recommandations pour la Culture de l’Ecran ?
François : (Hésitation)… On a des goûts très différents mais on kiffe vraiment le trio texan Khruangbin, c’est assez magique et complètement original, avec une bassiste exceptionnelle, ainsi que le groupe américain de funk Vulfpech, très technique mais hallucinant et assez réjouissant (Arno, présent dans la salle, semble acquiescer).
Merci pour cette causerie, François, en vous souhaitant une bonne tournée et une bonne réception du public pour ce décidément sympathique « Billy Believe », dont la sortie est prévue le 1ermars sur le label BEAM !, distribué par Upton Park Publishing.
Les Stuck seront en tournée en France dès le 22 mars à Caen et joueront notamment à la Cave à Musique à Mâcon (le 29 mars), au CCO à Villeurbanne (le 30 mars), à la Cave à Argenteuil (le 13 avril) et au Trianon à Paris le 9 mai. On ne saurait que trop vous conseiller de goûter l’expérience exaltante des concerts de Stuck in the Sound.