Fontaines D.C.

Fontaines D.C. : Le coup de sang irlandais

Parler de renouveau du rock British serait faire offense à ces cinq dublinois. Pourtant, c’est du côté des îles britanniques qu’il faut désormais tendre l’oreille.

Il semblerait que la vague psychédélique boostée à la distortion et aux jams aventureux venue tout droit de Californie ait laissé place à un post-punk tendu qui sent bon la brique et les soirées pluvieuses d’Outre-Manche. Fontaines D.C. s’est rapidement imposé comme l’une des formations les plus solides de ces derniers mois. Après une série d’EP prometteurs aux singles fédérateurs, le quintet irlandais vient de passer le test du premier album avec brio. « Dogrel », ou une écriture « crue et venue de la classe ouvrière, souvent tenue en piètre estime par la critique littéraire » comme l’explique le groupe sur les réseaux sociaux, rassemble des titres déjà parus sur les précédents efforts ainsi que des inédits de haute qualité. Pas flemmard, le combo gaélique emmené par le chanteur Grian Chatten, sorte de réincarnation de Ian Curtis et de Liam Gallagher façon 21ème siècle, s’est même permis de réenregister ses singles, histoire de rafraichir un peu les oreilles de ceux qui les suivent depuis quelques temps déjà.

Serré, tendu et particulièrement envoutant, le post-punk abrasif de Fontaines D.C. sait appuyer là où ça fait mal. « Big » démarre les hostilités en toute beauté. Hymne solide comme un roc au refrain à beugler en se tappant sur le torse, on se dit qu’on aurait presque aimé avoir passé son enfance sous le smog dublinois à mettre des coups de pied dans des canettes vides tant le morceau est puissant. En effet, la musique de Fontaines D.C. a ce truc légèrement sophistiqué, sans être chiant pour autant, qui rappelle le début des Strokes, le fighting spirit irlandais en plus. Avec leur attitude de jeunes branleurs aux références littéraires aiguisées, ces fans de The Fall ne tournent pas autour du pot en pondant quelques pépites à l’urgence assez rare : « Too Real », « Hurricane Laughter », « The Boys in the Better Land », « Liberty Belle ». Pas de fioriture malgré des guitares leads aux sonorités dissonantes et les nuages d’effet bien venus qui ajoutent un peu de noirceur aux refrains scandés par le jeune Grian Chatten.

Le choix de mettre la voix devant les guitares peut paraître surprenant. Si les nouvelles versions des anciens singles semblent légèrement moins percutantes (guitare derrière et voix en avant) que sur les EP précédents, les nouveaux titres confirment quant à eux tout le bien que l’on pensait de la formation dublinoise. Avec « The Lotts » et « Dublin Sky City », le tempo ralentit pour nous transporter dans des univers brumeux et mélancoliques. Intelligemment écrit, ce premier album place Fontaines D.C. parmi les formations les plus excitantes du moment. Le clip de « Roy’s Tune » montre une jeunesse irlandaise capable de vaincre l’ennui au milieu des moutons et des prairies de la verte Eirin. De quoi contraster avec le ton plutôt urbain de ce premier effort remarquable. Décomplexés, les cinq lads de Fontaines D.C. n’ont pas fini de faire parler d’eux. On s’en réjouit.