En plus de s’être érigé en référence absolue du hack and slash à l’aube du troisième millénaire, Diablo II a également profondément marqué mon adolescence. Parcourir le monde de Sanctuaire en quête d’aventures, de trésors ou de démons à affronter me plongeait systématiquement dans un état de transe proche de l’extase mystique. Ebloui par l’ampleur et la complexité de son univers, fasciné par la noirceur poisseuse de ses donjons, j’appréciais aussi le jeu pour sa rejouabilité et l’accessibilité de son gameplay. Et malgré toutes les qualités dont dispose le plus récent Diablo III, il n’a pas su faire naître chez moi l’exaltation qu’avait suscitée son aîné plus de dix ans auparavant.
Côté bande son, on pourrait se dire au premier abord que l’OST de Diablo II n’a pas de quoi bouleverser le mélomane. Discrète au point de souvent passer inaperçue, la musique du jeu est fréquemment éclipsée par l’entrechoquement des armes, le fracas des sorts ou les hurlements des monstres. En définitive, les morceaux les plus marquants sont ceux que l’on entend lorsqu’on arpente les rues de Lut Gholein, d’Harrogath ou de n’importe quelle autre ville-étape du jeu, où l’on peut se ravitailler et réparer son équipement sans crainte d’être assailli par des hordes de démons assoiffés de sang. Avec beaucoup de subtilité, les fonds sonores qui sont associés à ces différents refuges parviennent à retranscrire avec acuité l’atmosphère qui règne en ces lieux.
J’en veux pour preuve la première musique du jeu, qui se fait entendre lorsqu’on arrive au camp des Rogues au début de l’Acte I. Le morceau s’ouvre sur un legato de contrebasse aux sonorités lugubres, auquel s’associe rapidement la complainte d’un ensemble de violons. L’ambiance est posée. Puis soudain tout s’arrête pour faire place aux accords déchirants d’une guitare acoustique pleine de réverb : accompagnée d’une flûte basse en toile de fond, elle nous décrit avec mélancolie les landes du Khanduras, royaume autrefois prospère désormais réduit à un ensemble de terres désolées peuplées de créatures monstrueuses. Enfin la guitare s’élève seule et nous raconte à travers une série d’arpèges poignants comment les choses en sont arrivées là : la montée sur le trône du roi Leoric, le réveil de Diablo, l’émergence des forces démoniaques, la guerre, les massacres, la chute de Tristram… En parvenant à exprimer autant de choses avec une telle économie de moyens, ce morceau d’ouverture constitue selon moi une des plus belles réussites de Diablo II.