Chers lecteurs et auditeurs, il y a quelque chose de tordu dans le hip hop britannique. Evidemment bien moins populaire que le hip hop américain ou français sous nos latitudes, il est pourtant passionnant, souvent revêche, expérimental, en prise directe avec le courants musicaux britanniques (musiques urbaines, reggae, pop) plutôt qu’avec le funk, matrice du rap US. Ainsi, on y trouve de vraies individualités comme Mike Skinner (l’homme derrière les excellents the Streets, j’y reviendrai), Professor Green ou Dizzee Pascal.
Young Fathers est un trio basé en Ecosse, ses membres venant d’Edimbourg, du Libéria et du Nigéria et se réunissant en un melting pot tout britannique. Graham, Alloysius et Kayus délivrent un hip hop à trois voix très sombre, aux textures instrumentales touffues, héritier en ligne directe de Massive Attack (période « Mezzanine ») et de Tricky, dont l’ombre plane en permanence. Une musique issue de l’ombre, parfois intimidante et inconfortable, mais qui sait s’ouvrir aux mélodies très pop. Les voix chantent plus qu’elles ne rappent, jouent sur les textures, la saturation et « Shame » est une chanson terriblement accrocheuse.
Le ton est résolument social, en confère ce clip à l’ambiance étouffante mais s’ouvrant vers l’onirisme à la fin. « Nothing but a bare face lie, it’s all you cunts can hold on to » (Rien, sinon un mensonge avançant à visage découvert, c’est tout ce à quoi vous, connards, pouvez vous accrocher), réquisitoire contre les jeunes tombant dans la délinquance aussi économe qu’efficace. Lauréats inattendus du prestigieux Mercury Prize (Victoire de l’album de l’année en mieux outre-Manche) en 2014 avec leur premier album « Dead », Young Fathers viennent de sortir « White Men Are Black Men Too » , d’où est issu « Shame » qui a du mal à décoller de ma platine. De jeunes pères très féconds!
Clip officiel ci-dessus (assez difficile mais vraiment efficace).
Live radio :