J’ai eu le bonheur d’assister au concert de MNNQNS samedi dernier dans une petite salle jurassienne, le Moulin, parmi une grosse centaine de spectateurs enthousiastes et ai été franchement séduit par ce jeune quartette rock diablement excitant. Depuis, leurs deux EP tournent sur ma platine, en particulier « Advertisement », leur excellent second effort discographique.
Un rêve de groupe de rock, avec des jeunes gens chevelus à l’attitude parfaite, avec juste ce qu’il faut d’intensité comme de désinvolture. Car le rock n’roll est, quoiqu’on en dise, une affaire de jeunesse qui n’est jamais aussi séduisante que lorsqu’elle met en scène un gang uni comme les doigts de la main prêt à tout, sauf aux compromissions commerciales, pour se faire sa place dans le panthéon du genre. Pourtant, MNNQNS est au départ le projet solo d’Adrian, chanteur-guitariste rouennais qui en 2013 a vécu par le truchement d’un échange universitaire à Cardiff au Pays de Galles. Là-bas, il explore les diverses et effervescentes scènes musicales qui animent la ville et écume les salles de concert, suffisamment pour décider de faire son propre truc. De retour à Rouen, Adrian réunit des potes musiciens pour monter son projet, celui d’un pop rock anglophone et mélodique perverti par les dissonances et les déluges d’électricité. Il le baptise « Mannequins » (prononcer à l’anglaise…) et décide d’en ôter les voyelles pour que les occurrences sur Google ne renvoient pas automatiquement à des sites consacrés à des top models… Un premier EP « Capital », 2016, porté par un premier titre fort « Come To Your Senses » balise le terrain, présentant un rock post-punk aux couleurs rappelant les belles années du CBGB à New-York et les Strokes du début, avec refrain conquérant et électricité malsaine des guitares sans pour autant se vautrer dans la citation ou le passéisme.
Après de nombreux concerts et changements de personnel voyant l’arrivée du très bon batteur Grégoire, MNNQNS ont assis le projet en peaufinant un style bien tranché. Cette pop très mélodique joyeusement « abimée » par des déluges de bruit s’est grandement affinée dans le second EP « Advertisement » sorti en 2018. Le groupe a à cet effet été aidé en remportant le prix Ricard Live Music (ce qui leur a permis de tourner) et en étant signé par le label de Brighton Fat Cat (à qui l’on doit les premiers disques d’Animal Collective). Plus de moyens donc pour un résultat optimal, les quatre morceaux composant cet EP étant excellents. « Bored In This Town » est probablement le joyau pop d’« Advertisement ». Bâtie sur un solide et dynamique deux temps et un conquérant riff de guitare à la Strokes, cette vigoureuse chanson est incroyablement accrocheuse, la faute à une mélodie contagieuse et à ce pré-refrain où seule la batterie accompagne les voix doublées. C’est d’une redoutable efficacité, ce qui n’empêche pas ces sales gosses de tout mettre en pièces avec des torrents de distorsion et d’insolentes dissonances de guitares. Je l’ai dans la tête depuis le concert, et elle a du mal à en ressortir !
Les trois autres chansons composant « Advertisement » ne déméritent pas, bien au contraire. La très dansante « If Only They Could » avec ce dialogue de guitares en question réponse est tout aussi tubesque, et ce malgré ses cassures de rythme et son break noisy, « Tiger On A Leash », plus posée, rappelle les moments fougueux de Television (très joli chorus) et enfin, « NotWhatYouThoughtYouKnew », enregistré live, est un banger très fédérateur, ils ont d’ailleurs ouvert leur concert à Brainans avec cette chanson ultra-efficace. MNNQNS semble aujourd’hui avoir stabilisé sa formation et sortira son premier album fin août, on en reparlera dans ces colonnes. En attendant, on se délecte d’« Advertisement » et n’hésitez pas à prendre un bon shot de candeur rock n’roll malicieuse (Adrian se révèle un impeccable et bouillant frontman) s’ils jouent près de chez vous.