MGMT, duo new-yorkais formé par les deux multi-instrumentistes et chanteurs Andrew Van Wyngarden et Ben Goldwasser avait frappé très fort en 2007 à la sortie de son premier album « Oracular Spectacular », qui l’avait fait remarquer un peu partout dans le monde, ralliant une critique et un public unanimes. Il faut dire qu’avec la face A (les cinq premiers morceaux du disque) ils délivraient cinq compositions de première bourre s’enchaînant de façon magistrale. « Time To Pretend » (la sarcastique et brillante déclaration d’intention), « Weekend Wars » (la perle pop), « The Youth » (la ballade émotionnelle), « Electric Feel » (le hit disco, ma favorite) et le triomphal « Kids », suite royale qui laissait entrevoir un destin phénoménal pour les deux jeunes New-Yorkais quand bien même le reste de l’album était plus anecdotique, plus vainement psychédélique. Et c’est dans cette veine un peu moins séduisante, sans doute en réaction au succès délirant que les premiers tubes ont connu (« Kids » est devenu un vrai standard electro-pop qui continue à habiller des jingles et des pubs…) que le duo enregistre un second disque très expérimental et beaucoup plus abscons « Congratulations ». Et trois ans plus tard le franchement indigeste troisième album, titré du nom du groupe. Bref, j’avais rangé MGMT dans le rayon des espoirs déçus.
Quelle ne fut donc pas ma surprise en découvrant « Little Dark Age », quatrième effort discographique que j’avais emprunté à la médiathèque (histoire de ne pas trop me mouiller j’imagine). Fallait-il que le public nombreux au moment du premier album boude ostensiblement MGMT pour que Van Wyngarden et Goldwasser ne se résignent à revenir à la pop? Toujours est-il que cet album est très enthousiasmant. Toutefois, détestant se répéter (on ne leur en voudra pas), MGMT aborde avec « Little Dark Age » le versant synthétique du genre, avec brio, et l’album regorge d’excellents morceaux, comme cette ouverture « She Works Out Too Much » qui sonne comme un tube mid-eighties aux accords jazzy et aux sons redevables au Prince triomphant. Comme la plupart de l’album, les textes traitent de notre époque, des relations et raisonnements phagocytés par les réseaux sociaux et l’immédiateté de l’information. Le « Little » laisse heureusement penser que cette sombre période ne saurait durer… En attendant, la chanson éponyme a des atours très gothiques qui évoquent the Cure. Celle qui nous intéresse, « When You Die », est une chanson très étrange. La mélodie est imparable, très addictive, les arrangements charmants mais les paroles sont d’une terrible noirceur, retranscrivant les propos d’un hater qui souhaite ardemment la mort de quelqu’un… « Go Fuck Yourself » clame t-il et c’est probablement ce que le public reprendra en choeur… Illustration du concept de l’album, « When You Die » est pourtant une chanson quasi-parfaite. Une envoutante mélodie sinisante (guitare hawaïenne ? claviers ?) nous emmène vers le couplet. Cet orientalisme d’opérette n’est pas le seul clin d’oeil au « China Girl » de Bowie, le tempo enlevé et swinguant lui est aussi redevable. Cependant, c’est dans la structure du morceau que transparait l’esprit joueur et la folie de MGMT. Une intro, un couplet, un pont instrumental chamarré avec guitares sinueuses, un autre couplet, puis le seul refrain de la chanson, long et planant, qui accueille les douces voix des « guests » Connan Mockasin, Ariel Pink et… notre gloire nationale Sébastien Tellier, dont on entend le rire moqueur, qui ramène à la noirceur du propos avant un dernier couplet et un long ad-lib très musical. De la belle ouvrage digne d’un talent bien vivace et toujours pertinent.
Le reste de « Little Dark Age » est tout aussi réussi, comme la ritournelle electro-pop « Me & Michael » qu’on jurerait sortie d’un disque d’OMD ou de Human League, le presque calypso et chaloupé « TSLAMP » (Time Spent Looking At My Phone), le mid-tempo crépusculaire « James » ou « Hand It Over » la magnifique chanson finale, la seule d’ailleurs à nous replonger avec délice dans les ambiances psychédéliques et coucher de soleil du premier album de MGMT.