Si malgré deux albums et quelques rôles au cinéma Janelle Monáe n’a pas encore eu la reconnaissance mondiale qu’elle mérite, dites-vous bien que ça ne saurait tarder. La pétulante artiste originaire de Kansas City, Missouri vient de faire un pas de géant avec son nouvel effort discographique « Dirty Computer », album assez affolant qui combine une force pop irrépressible, une musicalité soul impeccable, des clins d’oeil hip hop et R n’B bien sentis et un discours queer qui la place comme le fer de lance d’une nouvelle féminité, triomphante et totalement émancipée.
Son premier EP « officiel », « Metropolis (Suite One) », suivi de l’album « The ArchAndroid » (les suites 2 et 3 du même concept) la présentaient dès 2007 sous les oripeaux de Cindi Mayweather, personne « autre » puisqu’androïde tombant amoureuse d’un humain. L’habillage musical indie soul (installée à Atlanta, elle collabore alors avec Big Boi d’Outkast) du meilleur aloi, susceptible de plaire à bien des chapelles musicales fait reluire d’excellentes compositions comme « Tightrope » ou « Cold War ». L’album « The Electric Lady » en 2013 (les suites 4 et 5) enfonce le clou avec cette fois de prestigieux featurings comme ceux de Solange, Erykah Badu, et surtout Prince pour l’excellent « Givin’Em What They Love ». Le frénétique et quasiment swing « Dance Apocalyptic » a retenti avec enfin un peu d’insistance, même sur nos frileuses radios hexagonales. Soignant son image publique, à l’Américaine certes mais aussi à la Ziggy Stardust, elle se présente toujours en smoking ou en vêtements noir et blanc, code esthétique qu’elle décline pour ses concerts. Pour l’avoir applaudie à Rock en Seine en 2014, elle s’avère être une show woman plus que convaincante et on n’a encore rien vu, semble t-il…
Après un silence discographique un peu long (lors duquel elle goûte à la télévision et au cinéma, avec un rôle notamment dans « Moonlight ») arrive en 2018 « Dirty Computer ». Janelle Monáe revendique sur ce disque l’esprit de Prince, avec lequel elle a de nouveau travaillé avant la mort de celui-ci. C’est manifeste quand on entend le single « Make Me Feel » (voir le shot à ce sujet), reboot aussi réussi qu’euphorisant du méga-tube « Kiss ». C’est plus diffus ailleurs, mais l’âme princière rôde tout au long de cet album. Pour « Pynk », Janelle Monáe a collaboré avec Grimes, l’ultra-moderne artiste canadienne qui a révolutionné la pop toute seule depuis sa chambre (son « Flesh Without Blood » est la SOTW #74). Cette fantaisie pop R n’B combine en effet plusieurs ambiances, Grimes introduisant sur le couplet une aérienne mélodie synthétique entêtante et des claquements de doigts comme percussions minimalistes, puis, sur le pont, des entrelacs de guitares rythmiques entourent le flow tout en douceur de Janelle avant que n’explose le refrain triomphant, fort et joyeux, qui ne dépareillerait pas sur une chanson d’Haim, voire de Taylor Swift. Ce mélange des genres, très princier on peut le dire, est la force du style Monáe, pouvant séduire un public très large tout en ne cédant en rien aux sirènes du commerce.
Mais on ne peut pas parler de « Pynk » sans évoquer son clip. C’est par le biais de l’image que Janelle Monae, qui se définit comme « pansexuelle », assène son discours néo-féministe. Affublée d’une culotte bouffante (rappelant celles que portait Bowie époque Ziggy) en forme de vagin, Janelle, entourée d’un aréopage de beautés noires chante le plaisir au féminin.
« Pink like the inside of your, baby
Pink behind all of the doors, crazy
Pink like the tongue that goes down, maybe
Pink like the paradise found »
Dans le monde très corseté de la pop américaine, voilà qui est révolutionnaire… Ajoutons pour finir que Janelle Monáe cite dans son livret Paul Simonon, iconique bassiste du Clash, quand il disait « Pink is the only true rock n’roll colour » (le rose est la seule couleur vraiment rock n’roll)… Une telle citation valait bien qu’on l’honore !