Certains hits de Franz Ferdinand présentent une caractéristique originale : un changement de tempo et de style après l’intro, ce qui est normalement inacceptable dans les standards de la pop music et considéré comme anti-radiophonique. C’est notable dans un des premiers et plus gros tube des Ecossais « Take Me Out », qui démarre sur un frénétique tempo rock avant de muter en un monstre punk funk, plus lent, plus hypnotique et plus tendu. Depuis 2004, aucune boum ne se passe sans que le DJ ne joue cet hymne, infaillible remplisseur de piste. Ils ont remis cette formule magique l’année suivante avec « Do You Want To », tout aussi réussi. Treize ans après, cet « Always Ascending » retourne la formule, avec son intro lente et planante et la mutation du morceau en une bacchanale dance rock irrésistible.
Franz Ferdinand est un groupe original et excentrique qui écrit des tubes, ayant toujours un oeil rivé sur la piste de danse ou la fosse des salles de concert, leur crédo étant de faire une musique pour danser avec des instruments et une énergie rock. Ce cahier des charges a été vaillamment respecté depuis leurs débuts en 2002. Après les réussites incontestables des deux premiers albums, « Franz Ferdinand » en 2004 et « You Could Have It Some Much Better » l’année suivante, ils ont tenté en 2009 une percée plus électronique et expérimentale avec l’étrange « Tonight », lequel compte quelques très bonnes chansons, « Ulysses » ou « No You Girls », mais reste inégal. Le retour aux sources matérialisé par « Right Thoughts, Right Words, Right Action » en 2013 constituera la plus faible collection de chansons du groupe. Pour pouvoir évoluer, ils ont d’abord collaboré avec les fantasques vétérans américains et maîtres d’une pop baroque et excentrique Sparks (les frères Mael représentant sans aucun doute l’une des influences les plus prégnantes de Franz Ferdinand) en 2015 avec l’album « F.F.S » et la tournée qui s’ensuivit. Puis le guitariste et compositeur historique Nick McCarthy a jeté l’éponge, quittant le groupe à l’amiable pour poursuivre des projets personnels, laissant aux restants le devoir d’évoluer, coûte que coûte.
Je n’aurais pas misé grand chose sur un retour en grâce de Franz Ferdinand, mais le concert que la nouvelle formation du groupe (comptant un nouveau guitariste, Dino Bardot et un claviers, Julian Corrie) a donné à Rock en Seine 2017 a été si enthousiasmant qu’on ne pouvait que réviser son opinion. Les nouvelles chansons (alors inconnues du public) s’insérant parfaitement parmi leur invraisemblable collection de tubes. La rythmique impeccablement calibrée de Robert Hardy (basse) et Paul Thompson (formidable batteur) propulsant le groove avec concision et mordant, permettant à (last but not least) Alex Kapranos, flamboyant homme de scène maintenant qu’il délaisse de temps en temps sa guitare, de faire avec naturel le job d’entertainer sexy. A 45 ans, il n’a jamais semblé aussi à l’aise et autant en voix.
C’est donc avec une certaine impatience qu’on attendait la livraison de ce cinquième album « Always Ascending », enregistré entre Londres et Paris avec Philippe « Zdar » Carboneschi, membre de Cassius et producteur de Phoenix ou Cat Power, ce qui laissait présager d’une orientation plus électronique et plus dance. Il est vrai que les claviers prennent parfois le dessus sur les guitares anguleuses, que les effets abondent et que les arrangements pensent piste de danse avant tout mais l’ensemble n’en est pas moins agréablement varié et parfois surprenant (la picaresque épopée de « Huck & Jim », la krautrock meets Funky Town « Lazy Boy » ou la longue « Feel the Love Go » et son incongru mais bien vu solo de sax, trois chansons ouvrant de bien belles perspectives). Mais la chanson titre reste la perle de l’album, fièrement placée en son début. Après une intro planante et spatiale où Kapranos croone d’une façon théâtrale digne de Bowie sur un tapis de choeurs éthérés, un effet électronique crée un vrai effet d’ascension qui amène l’irrésistible pulsation dance qui ne nous lâchera plus. Le groove raide est parfait, arrondi par une basse synthé. La mélodie du refrain est glorieuse, comme souvent chez Franz Ferdinand. La coda, baroque à souhait, emmène la chanson vers une autre direction, mais encore et toujours vers le haut.
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