SOTW #129 & #129bis : Something To Remember Me By & Weighed Down, The Horrors

J’étais resté sur une impression bien mitigée de The Horrors. Un concert franchement mollasson à Rock en Seine 2014 qui suivait un album qui portait bien mal son titre « Luminous », trop long, trop planant, trop plein, où même la voix de crooner dark de Faris Badwan, que par ailleurs je trouve parfaite, ne parvenait pas à susciter mon intérêt. C’est donc avec des pincettes que j’ai abordé le tout nouveau « V » (V de la victoire, ou cinquième album du groupe, allez savoir) et sa pochette repoussante (genre vacances à Fukushima, avec un hybride gore de toutes les têtes du groupe).

Enfants de Southend-on-Sea (prononcer « Sarthend », ville balnéaire forcément glauque à l’embouchure de la Tamise) où ils étaient piliers du « Junk Club », boîte branchée du bled, the Horrors ont débuté comme un groupe de garage rock acide à l’allure parodique, comme si les cinq jeunes gens étaient figurants dans un remake outré de la Famille Addams. Premiers symptômes sans conséquence, car leur excellent second album « Primary Colours » les voyait expérimenter dans la pop sombre et le krautrock (je vous recommande l’écoute approfondie de l’incroyable single « Sea Within A Sea », huit minutes de musique répétitive hallucinatoire et grandiose). Le troisième album « Skying » est tout aussi bon, ravivant les souvenirs new-wave avec brio et installant les désormais Londoniens comme des maîtres des ambiances et de l’espace, tout en ayant un sens de la mélodie toujours pertinent. Après le tiède « Luminous », voici donc « V », disque pour lequel ils ont permis à un producteur de se mêler de leur musique, et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de la star des consoles Paul Epworth, plus communément vu derrière Adele ou Florence & the Machine. Il y avait de quoi avoir peur… Force est de constater que le ton a été considérablement durci, les ambiances, en particulier au niveau des synthés sont plus abrasives, les guitares plus appuyées et les grooves plus massifs.

En cette ambiance sonore poisseuse et reptilienne, la voix de Faris Badwan trouve un écrin idéal. Sa voix, quelque part entre celle de Dave Gahan de Depeche Mode (the Horrors en sont de beaux héritiers) et celle de Marc Almond, crooner funambule qui brilla dans les eighties, notamment au sein de Soft Cell. C’est d’ailleurs dans cette mouvance early eighties que se situe le single qui clôt l’album, l’enjoué « Something To Remember Me By », petit bijou d’electro pop à la mélodie platinée qui ne dépareillerait pas dans le répertoire de New Order et vous reste vissée à la mémoire pour longtemps. La voix de Badwan y est impériale. Cette saillie poppissime est toutefois unique sur « V », le reste d’album installant de sinueuses ténèbres, comme ce remarquable « Weighed Down », puissante mélopée aux arrangements dub bâtie sur un lent tempo majestueux et où les guitares savantes de Josh Hayward s’illustrent comme jamais. De la belle ouvrage qui me réconcilie pour de bon avec ces plaisantes Horreurs…