Chose peu banale, c’est en rédigeant un article pour ma rubrique dans le Progrès, sur le festival Génériq en l’occurrence (lequel va se dérouler du 14 au 19 février, à Dijon, Besançon et ailleurs dans l’Est), que je suis tombé sur un musicien aussi original que séduisant : Bayonne. Pas la ville basque, mais le nom de la rue où Roger Sellers a grandi, à Spring dans le Texas, et qu’il a pris comme nom d’artiste. Basé aujourd’hui à Austin, centre névralgique hyper-branché de cet état conservateur, ce jeune homme au look mi-redneck mi-hipster (qui oserait une telle moustache autrement ?) s’est dédié corps et âme à l’electro-pop après s’être rendu compte de combien il s’emmerdait en tant que chanteur dans un groupe de folk. Musicien nerd disciple de Brian Eno, issu d’une formation classique qui l’a fait s’intéresser aux travaux de Steve Reich ou de Philip Glass, Roger Sellers utilise le studio comme instrument. Et sa musique est faite de boucles de sons qu’il enregistre, empile et malaxe en live. Un anti-DJ en somme (il n’utilise pas les platines), un démiurge qui parvient à créer un univers aussi onirique que personnel où tout le monde est le bienvenu, se rapprochant de l’oeuvre d’un autre bel anti-DJ à la musique émotionnelle et remuante, Caribou (SOTW #28).
« Sincere » est l’un des morceaux de son premier album en tant que Bayonne, « Primitives« . Les compositions, d’une fluidité absolue, mêlent des éléments électroniques, des percussions, des instruments acoustiques et de mélodieuses lignes de chant. Chant céleste influencé par Panda Bear, voix qui me rappelle un peu celle pincée et aiguë de Neil Tennant, de Pet Shop Boys. Les comparaisons s’arrêtent là. Ces chansons sont impossibles à siffloter et ne peuvent se transformer en scie obsédante, elles sont en revanche très accueillantes, procurent un bien-être immédiat et suscitent une curiosité insatiable. Décrire « Sincere » est donc tâche très ardue. Le riff de guitare électrique funky en boucle liminaire ouvre un bal qui fait tourner la tête, les grands espaces défilent à toute allure, les percussions invitent aux danses les plus folles. Un vrai trip.
Autre détail qui fait de Bayonne un artiste attachant, c’est que ses shows sont aux antipodes de ce qu’on attend d’un musicien electro, réduisant souvent sa présence scénique à celle d’un ingénieur derrière ses machines. Bayonne virevolte avec énergie de pédale d’effets en table de mixage, s’empare de baguettes pour frapper ses toms avec frénésie puis de son micro pour crooner des mélopées enivrantes. En véritable one-man band, il occupe toute la scène avec gourmandise et offre un spectacle totalement inédit. Qui me donne très envie d’aller vérifier sur place au Consortium à Dijon…