La découverte de la chanson de la semaine est à mettre au crédit de la playlist de France Inter… Au hasard de la pause musicale lors d’une émission, un grain de voix m’a immédiatement saisi. Heureusement pour moi, le morceau a été désannoncé et émanait d’un certain Sampha. Je ne connaissais pour ainsi dire rien de ce jeune chanteur, musicien et producteur londonien avant ce « Blood On Me ». Pourtant, à 28 ans, Sampha Sisay n’est pas à proprement parler un débutant. Il est apparu dans de prestigieuses collaborations artistiques, à la production, aux claviers et au chant, d’abord avec le groupe electro SBTRKT (lire « Substract ») ou Jessie Ware en Angleterre, puis avec de grosses (d’énormes) pointures internationales comme Drake, Kanye West ou Solange (pour quatre chansons de son excellent dernier album « A Seat At My Table », dont « Don’t Touch My Hair », SOTW #101). Et pourtant, Sampha n’a sorti depuis 2010 que deux EP en son nom. Les choses sont apparemment en train de prendre une autre tournure, avec la sortie imminente d’un premier album « Process« , dont « Blood On Me » est le second signe avant-coureur.
Oscillant entre soul introspective et R n’B, Sampha en propose une version très moderne et émotionnelle, à la façon et avec la grâce de Frank Ocean. Ainsi, « Blood On Me » traite de sa fuite devant ses démons et de la crainte d’être rattrapé par eux dans une ambiance onirique, mais est-on vraiment certain d’être dans un rêve ? Cette inquiétude se ressent dans le couplet, où la voix douce et voilée de Sampha, laquelle crée une immédiate intimité avec l’auditeur, se fraye un passage entre les halètements d’un coureur en fuite. Une batterie et des percussions (cowbell en tête) à la fois volubiles et tendues, un sombre piano nous évoquent sans trop de difficultés le trip hop bristolien, en particulier celui du Massive Attack des deux premiers albums (les plus soul). Une basse funky experte emmène le refrain triomphant musicalement, où la voix de Sampha, en plein régime, dégouline de feeling, même si l’angoisse transparait dans les paroles « I swear they feel the blood on me, I hear them coming for me » (« Je jure qu’ils sentent le sang en moi, je les entends venir pour moi « ). Une belle dichotomie très typique de le soul britannique, de Massive Attack à Young Fathers, une soul luxuriante au fond dépressif. Et c’est aussi dérangeant qu’enthousiasmant. Vivement l’album!
La vidéo, très onirique, est un petit chef d’oeuvre en adéquation totale avec la chanson sans être narrative.
Je vous rajoute cette cover piano voix très soulful du classique de Air « All I Need », pour que vous mesuriez la musicalité du bonhomme !