© Chris Sikich

Retour en force pour The Dream Syndicate

La bande à Steve Wynn vient de sortir un cinquième album très convaincant après vingt neuf ans d’absence.

 

« How Did I Find Myself Here? » Bonne question. Il aura fallu près de trois décénnies aux pionniers de la scène néo-psyché californienne pour enregistrer le successeur de « Ghost Stories ». Voilà donc la bonne surprise de l’automne, un disque rageur qui renoue avec le glorieux passé de ces légendes de l’underground West Coast. Groupe phare de la scène Paisley Underground de L.A (The Bangles, The Three O’Clock, etc.) du début des eighties, The Dream Syndicate n’a rien perdu de son amour pour la reverb, les jams planants et un certain bon goût quand il s’agit de faire ronfler des guitares pleines de fuzz.

Enregistré à Richmond, Virginie, puis mixé à Hoboken, bourgade sinistre longeant l’Hudson River, en face de Greenwich Village et ses cafés branchés, ce nouvel album n’est pas un exercice de nostalgie. « How Did I Find Myself Here? » n’a rien a envié aux récentes sorties du Brian Jonestown Massacre, des Warlocks, ou des anglais de Spiritualized. Avec ses guitares à la Birds et son orgue planant, « Filter Me Through You » permet de rentrer en douceur dans ce disque taillé pour la route et les grands espaces. Il y a fort à parier que cet album concis squatte longtemps les haut-parleurs de votre voiture cet automne. Jamais le groupe n’avait sonné si proche de l’Americana, sans tomber dans ses vices les plus pompeux. La pop à guitares de « Glide » évoque tout autant Bruce Springsteen que Jesus and Mary Chain, avec son riff lancinant chargé d’effets.

Sur « Out Of My Head » et « 80 West », les deux titres les plus convaincants de l’album, Wynn et ses camarades délivrent un rock puissant, teinté de blues, lourd et complétement aguicheur. Planantes, inquiétantes, répétitives, ces chansons lorgnent vers un punk psychédélique complètement addictif. On se dit que le Black Rebel Motorcycle Club n’a pas inventé grand chose et il y a fort à parier que la bande à Peter Hayes et Robert Turner jette une oreille attentive à ce nouvel opus du syndicat du rêve. Avec « Like Mary », Wynn réincarne Lou Reed période Velvet Underground le temps d’une ballade acid-folk des plus réussies.

On retiendra sans hésiter le puissant « The Circle ». Grand moment de garage rock plein d’aggressivité et de mélancolie, le titre montre un Wynn hargneux, dont la voix couverte de distortion résonne comme celle d’un Neil Young mal virée. Le morceau éponyme, sorte de jam planant de plus d’une dizaine de minutes, donnerait presque envie aux Happy Mondays de se reformer. Le groove est là, le refrain fédère, on se dirait presque que The Dream Syndicate aurait pu ravir ses fans davantage en ajoutant quelques pistes supplémentaires à cet album franchement réussi, mais on fera sans.

Puis vient « Kendra’s Dream », récital de shoegaze moderne qui clot ce cinquième album inattendu avec une certaine classe. La voix de Kendra Smith berce l’auditeur dans un brouillard de guitare soutenu par un beat lourd, façon Velvet, toujours. Envoutant, le titre met fin à une des sorties les plus agréables de l’année. Il n’est pas évident de revenir avec un album d’une telle qualité, même quand on s’appelle Steve Wynn. Mission totalement réussie pour les Californiens, qui voient toujours aussi juste et dont l’influence a rarement été aussi présente dans la scène indie actuelle. Il était grand temps qu’ils réapparaissent. C’est maintenant chose faite, et on s’en réjouit.