Qu’on se le dise dès maintenant. Lorsque Josh Homme a laissé entendre qu’il confierait la production du nouvel album de Queens of the Stone Age à Mark Ronson, on est très nombreux à avoir grincé des dents. Les fans des reines de l’âge de pierre sont des êtres nostalgiques, attachés à l’image poussiéreuse de leur groupe fétiche tout droit sorti de la scène alternative californienne des nineties après l’essoufflement de Kyuss. Chez beaucoup de ces êtres souvent bourrus mais ô combien fidèles, il existe même une légère touche de mauvaise foi, comme si les Queens n’avaient jamais été capables de dépasser le massif « Songs for the Deaf » sorti il y a quinze ans, contraint de polir son son pour gagner le cœur du plus grand nombre.
Sauf que non. Homme et sa bande n’ont pas vendu leurs âmes. Le grand rouquin a bossé dur pour sortir une ribambelle d’albums honorables, abandonnant petit à petit le hard rock primaire et les rythmiques bulldozers qui avaient fait sa renommée pour transformer son projet numéro un en une institution du rock nord américain aussi éclectique qu’inspirée. Si Homme s’est rapproché du mainstream en prenant Alex Turner et les Arctic Monkeys sous son aile, sa récente collaboration avec Iggy Pop l’a fait rentré dans le cercle des dinosaures du rock, avec tout ce que cela engendre.
Faudra s’y faire. Queens of the Stone Age ne ressortira jamais un disque gonflé, plein de riffs lourdingues et de jams titanesques à faire chavirer un moshpit en mal de gros son.
Avec « …Like Clockwork » en 2013, les Queens montraient déjà une certaine volonté de s’illustrer dans un autre registre. A la vue de l’artwork de « Villains », on se demande même si ce septième album des californiens ne viendrait pas compléter à merveille le précédent opus.
Bon, premier constat. Ronson ou pas Ronson, c’est bien du Queens of the Stone Age. Refrain colossal, solos biscornus, voix entêtante, « Feet Don’t Fail Me Now » a tout ce qu’il faut pour faire exploser l’autoradio de ta 106 à 130km/h sur l’autoroute. On retrouve ce rock racé sur « The Evil Has Landed » et son outro boogie punk à deux accords. Direct, franc, accrocheur, le groupe voit juste. Autre constat, l’ombre de David Bowie plane sur le disque tout entier. Depuis qu’il traine avec Iggy Pop, Homme est entré dans la cour des grands et multiplie les clins d’oeil à ses idoles. Les voix, les claviers, les arrangements sont clairement inspirés par les albums berlinois du Thin White Duke. Allez jeter une oreille aux refrains de « Domesticated Animals » et « Un-Reborn Again », c’est flagrant.
Soyons honnêtes. La production légèrement swing de « The Way You Used To Do » peut surprendre les plus sceptiques. Pourtant, ce n’est pas la première fois que le groupe s’essaie au swing. On se souvient du single « Make It Wit Chu » de 2007 ou du chant façon crooner de Homme sur « Smooth Sailing » et son groove pharaonique. On se doute bien que celui qui s’attendait à un single façon « Sick Sick Sick » risque de tomber de haut. Pourtant, on ne peut pas dire que le titre n’est pas efficace. Cela faisait combien de temps qu’un groupe de rock à guitares de cette trempe n’avait pas fait danser les filles ?
En prenant des risques, le groupe a évolué sans perdre de son originalité. Si « Head Like A Haunted House » rappelle des odes tranchantes à la « 3’s & 7’s », « Fortress » sort carrément du lot. Morceau planant, soutenu par un riff lancinant et des claviers loufoques, il n’aurait jamais pu figurer sur les premiers albums du groupe. En effet, jamais Homme n’a paru aussi vulnérable. A la fois intime et puissant, le titre prend son envol à l’entrée du riff accrocheur de Troy Van Leeuwen pour finir en toute beauté. Cette odyssée lyrique vaut à elle seule l’achat de « Villains ».
Après plusieurs écoutes de cet album qui continue d’alimenter les polémiques les plus ringardes chez les fans hardcore du groupe, on valide, et pas qu’une fois. La production de Ronson ne dénature en rien l’essence de la formation américaine. L’Elvis du désert de Mojave et ses compagnons de route vieillissent bien. On pourrait même aller plus loin en affirmant qu’ils vieillissent mieux que leurs aficionados les plus grincheux.
Date unique pour les QOTSA en France le mardi 7 novembre à l’AccorHôtels Arena de Paris.