Les White Stripes sont la meilleure chose qui pouvait arriver à la musique de ce début de 21e siècle. Avec « Elephant », le duo de Detroit a anéanti la vague nu-metal à coups de gimmicks blues dopés à la pédale fuzz, redonnant à la musique américaine ses plus belles lettres de noblesse. En allant puiser dans la country, le punk, le blues, la power pop, Jack White a su remettre au goût du jour des sonorités délaissées par ses contemporains, amorçant ainsi le grand retour des groupes à guitares. Il aura fallu un tube fédérateur, sept notes jouées avec octaver sur un beat de batterie des plus basiques pour convaincre la planète entière du talent de ce multi-instrumentiste de génie et de son ex-femme installée derrière les fûts. Avec « White Blood Cells » et le tube « Fell In Love With a Girl », sortis en 2001, les bandes blanches avaient déjà frappé fort, mais c’est « Elephant » et le monstrueux hit « Seven Nation Army » qui va propulser les White Stripes sur le devant de la scène. Ce monument du rock est d’une consistance hors du commun. Tantôt punk, tantôt blues, tellement accrocheur et si bien écrit, « Elephant » fait le pont entre les Stooges, Howlin’Wolf et Burt Bacharach. Enregistré en analogique dans deux studios londoniens, le quatrième album du groupe bénéficie d’une production simple et efficace (« The Hardest Button To Button », « In The Cold Cold Night »). White jongle entre riffs agressifs, comme « Black Math », un hymne punk à deux accords façon Motor City 5 et des blues poisseux (« Ball and Buiscuit ») capables de plonger l’auditeur dans une transe vaudou ultra-puissante. Il passe du crooner sudiste au chamane africain en un coup de pédale, et ça fonctionne à merveille. Pour l’anecdote, les anciens époux du Michigan proposent même à Kate Moss devenir se trémousser sur une barre de pole dance dans le très lubrique clip de « I Just Don’t Know What To Do With Myself ». Tout ça pour dire qu’ «Elephant » est le « Nevermind » de sa décennie. On parle ici du meilleur album des vingt dernières années, un chef d’oeuvre indéboulonnable.
Année : 2003
Origine : Etats Unis
Pépite : « Hypnotize »
Eat : Sucette fraise vanille
Drink : Un verre de Cherry Coke
Il fut un temps où Eagles Of Death Metal était un sympathique groupe californien réputé pour son humeur au beau fixe et la moustache rousse de son frontman Jesse Hugues. Sorti en 2006, « Death By Sexy » a tout de l’excellent disque de rock. Une méchante dose de groove, des paroles qui visent presque toujours en dessous de la ceinture et des riffs de gratte à vous faire danser sur la table avant même la fin de l’apéritif. Produit par Josh Homme au 11AD de Los Angeles, « Death By Sexy » pue le soleil, les soirées arrosées dans les clubs de rock et la déconnade entre potes. Rien de bien sérieux. Imaginez les Beach Boys qui jamment avec Canned Heat et les Stones sous speed avec pour seule mission celle de foutre un grand sourire sur le visage d’une jeunesse en réelle manque de sensations fortes. Ça commence fort, très fort, avec le très explicite single « I Want You (So Hard) ». Les tempos vont à deux milles à l’heure, puis ralentissent sur « I Gotta Feeling (You’re Just Nineteen » et son intru qui rappelle le meilleur de la banda à Jagger, époque Mick Taylor. Pour ce qui est des lyrics, Hugues n’a pas froid aux yeux, et nous fait part de ses fantasmes sans mâcher ses mots (« I got the flesh and I will make you scream, ohh You’re doing things that make my flesh burn hot, oh I got to give in, damn, Baby, please don’t stop, oh »). Quand il ne fait pas de l’ultra-sexuel (aller jeter une oreille au très chaud « Don’t Speak »), Hugues investi dans la folk chaloupée (« Death By Sexy»), le psychobilly déjanté (« Chase The Devil ») et le hard blues préhistorique (« Poor Doggie »), le tout sans jamais perdre le smile ni le sens de la formule. Les fans de Keith Richards ne seront pas déçu par le jeu de guitare du moustachu amateur d’armes à feu et de jolies femmes, qui singe leur idole avec brio et prouve que l’on peut tenir un disque entier sur un vulgaire accordage en open de sol. Plus sexy et dansant que son prédécesseur « Peace Love and Death Metal » paru en 2004, « Death By Sexy » est un des meilleurs anti-dépresseurs prescrit sans ordonnance. A consommer donc sans modération.
Année : 2006
Origine : Etats-Unis
Pépite : « I Gotta Feeling (You’re Just Nineteen) »
Eat : Quesadillas au guacamole
Drink : Vodka Ginseng
Le grand problème de ZZ Top, c’est de ne jamais avoir été considéré à sa juste valeur. Faute à des choix esthétiques plus que de douteux et un swag texan difficilement exportable, le power trio originaire de Houston a fait rarement l’unanimité. Certains leur reprochent en effet de l’avoir joué plutôt facile dans les eighties, d’autres d’avoir produit une ribambelle de clips plus farfelus les uns que les autres (« Burger Man », « Legs ») et d’avoir tenté de populariser une pilosité à faire passer un grizzli pour un jeune collégien pré-pubère bien avant que votre barbier soit sorti du ventre de sa mère. Oui, il n’y a pas grand chose de glamour chez Billy Gibbons, Dusty Hill et Frank Beard (un nom pareil, ça ne s’invente pas), pourtant, le combo texan a laissé une marque indélébile dans l’histoire du rock américain. Plein de second degré, Gibbons s’est imposé comme un personnage atypique, à la fois vieux gourou d’un blues poussiéreux venu tout droit du delta du Mississippi et expert en distillation de tubes mémorables dont les radios raffolent. « Tres Hombres » est un mélange de tout ça qui fait de ZZ Top un groupe complètement inclassable. L’album s’ouvre sur le très heavy « Waitin’ For The Bus » et ses solos d’harmonica déjantés. Du lourd, du très lourd, avant d’embrayer sur « Jesus Just Left Chicago », un blues lent et entêtant, le titre parfait pour une escapade en camion sur les routes ensablées de l’ouest américain. Sur « Beer Drinkers & Hell Raisers », la bande à Gibbons montre qu’il sait durcir son jeu en offrant une pépite heavy annonçant l’arrivée de groupes comme Motörhead qui reprendra le titre quelques années plus tard. Hymne à la liberté et à la deux roues, la chanson fait référence au mode de vie des bikers qui vouent un véritable culte au rock n’roll. Mention spéciale pour « Master of Sparks », mid-tempo ténébreux composé par Gibbons, qui sent bon l’asphalte et les nuits passées au diner du coin à boire du mauvais bourbon en jouant au billard. Pourtant, c’est « La Grange » qui permettra au groupe de sortir de la confidentialité. Un blues archaïque, très largement inspiré du « Shake Your Hips » de Slim Harpo et de « Boogie Chillen » de John Lee Hooker, qui fait encore les grandes heures des campagnes de pub de Buffalo Grill. Saignant, je vous dis.
Année : 1973
Origine : Etats Unis
Pépite : « Waitin’ For The Bus »
Eat : Texas Burrito
Drink : Bière Tecate