Imaginez des plages vierges de toute construction, de toute laide, odorante et bruyante cabane à frites, de débordants parkings goudronnés… Des villages côtiers où aucune rangée d’immeubles ne longe le front de mer… Un paysage lunaire comme au premier jour, d’une intense sauvagerie sous le soleil qui brille presque tous les jours, été comme hiver. Cela existe encore, et contre toute attente en Andalousie, sur la côte méditerranéenne. Et ce paradis s’appelle le parc naturel du Cabo de Gata-Níjar.
A la pointe sud-est de la province d’Almería faisant face à l’Algérie baignée par la mer d’Alborán, arriver au Cabo de Gata se mérite. Soit on accepte un interminable voyage en voiture via l’autovia del Mediterráneo, soit on atterrit à Almería (pas simple en vol direct), soit à Málaga, halte très agréable soit dit en passant. De là, il faut prendre un bus jusqu’à Almería, traverser l’impressionnante et angoissante mer de plastique (car on passe à l’ouest d’Almería dans le « potager de l’Europe », ces serres qui s’étendent à perte de vue, jusqu’en bord de mer, et qui ont transformé la campagne aride en paysage désolé de couleur blanc sale. Ce cauchemar écologique et paysager nous fournit en tomates, concombres, poivrons et fraises toute l’année). Puis louer un véhicule, car il est impossible de séjourner au Cabo de Gata sans pouvoir se déplacer. Très heureusement, dès qu’on passe une pancarte indiquant l’entrée du parc, les serres disparaissent comme par enchantement.
Une fois arrivé sur place, on est immédiatement captivé par un paysage rude et tourmenté, très montagneux et à la végétation rare (petits palmiers, agaves, figuiers de Barbarie et alfa… Et c’est à peu près tout). Les roches et les collines ont des formes étranges (on est dans un chaos volcanique), de petits hameaux tous blancs se logent ça et là, comme les cortijos (fermes) isolés. Ces parages ont été le décor de nombreux films, comme « Le bon, la brute et le truand » ou bien « Il était une fois dans l’Ouest », en partie tournés autour du hameau Los Albaricoques. L’Europe étant passée par là, les routes principales sont excellentes, le réseau « secondaire » est plus rustique et peut aller jusqu’aux chemins pierreux. Et puis la mer apparaît, et ça devient magique. Car comme je le disais plus haut, la côte protégée conserve son aspect originel, et la vue depuis les hauteurs est tout bonnement extraordinaire.
Le nombre de plages et calanques est innombrable (j’exagère, mais il y en a pléthore), de toutes tailles et de tous accès. Les plus remarquables sont celles du sud, juste à l’est du cap, soit en enfilade celles des Genoveses (la plus grande et sans doute la plus belle), de Monsul (avec ses roches aux formes préhistoriques) et de Media Luna (en demi-lune, comme son nom l’indique et de sable noir). Il faut venir tôt, ou tard dans la journée en été car l’accès est régulé depuis la localité de San José (seul village avec moult hébergements, distributeurs de billets et doté d’une ambiance balnéaire plutôt familiale), les parkings ayant une capacité volontairement limitée (on n’a rien sans rien…). Plus au nord, entre Agua Amarga et Carboneras se trouve l’imposante Playa de los Muertos (nommée ainsi à cause des naufrages dus aux forts courants) où fut tournée la scène finale de « La Planète des Singes »), reconnaissable à ses monolithes noirs. Mais il y a surtout foule de calanques où vous aurez l’assurance d’être seuls au monde, à condition de bien vouloir marcher (et escalader) un peu. A l’ouest du cap, on trouve une immense plage de neuf kilomètres, celle du village de la Fabriquilla longeant les salines) sur laquelle il est impossible d’être l’un sur l’autre.
La région est aussi le paradis des randonneurs, tant les sentiers, souvent spectaculaires, sont nombreux. Ceux longeant et surplombant la mer offrent bien sûr des points de vue magnifiques. Evitez évidemment les heures les plus chaudes, car le Cabo de Gata n’offre guère de points ombragés et la végétation est rare. On pratique aussi beaucoup la plongée (récifs coralliens et superbes fonds marins), balades en canoë ou en bateau, depuis chaque village côtier.
Les « centres urbains » sont tous très modestes. Le plus vivant est celui de las Negras, nommé ainsi car sa baie est délimitée par le Cerro Negro, masse volcanique noire s’avançant dans l’azur de l’eau. Si la plage est de galets, le petit port de pêche est charmant. Le village regroupé autour ne compte que 350 habitants, n’a ni station-service ni distributeur de billets, mais compte un petit supermarché, un bureau de tabac-presse et… huit bars et autant de restaurants ! Parmi les bars, le « Brindi Negro » est une expérience… Dans un décor pop et surchargé qu’on croirait tiré d’un film d’Almodóvar, on entend de la bonne musique rock et pop. Le service est plus que cordial, les piliers très amicaux et causants, les tapas très élaborées sont délicieuses. Bref, une adresse incontournable ouverte toute l’année. Et prendre son café avec un toast tomate, huile d’olive et jambon le matin face à la mer sur la superbe terrasse de « La Sal » devient vite un rite incontournable.
A propos, parlons de l’art du « tapeo » si singulièrement andalou. « Tapar » en espagnol signifie « couvrir ». De fait, chaque fois qu’on commande un verre (bière, vin ou vermouth, ça ne marche pas avec le Coca…), on a droit, pour que passe le verre d’alcool, à une petite ration d’un plat souvent délicieux (ragoûts de viande ou de poisson, « pescadito frito », crustacés, jambon, croquettes, etc.). Le tout pour un prix d’une modicité étonnante. Partout en Andalousie, dans tous les bars, on sert des tapas, et cela n’a rien à voir avec les soit disant et auto-proclamés « bar à tapas » qu’on peut trouver en France ou même à Barcelone, croyez-moi ! Nul besoin de dire qu’on s’y fait très vite et qu’on y revient avec gourmandise. Ainsi, on peut faire une halte dans le seul bar très roots du tout petit hameau nommé Fernán Pérez. Les tapas y sont exquises et l’ambiance très conviviale.
Etonnant de constater que la population résidant à las Negras est très cosmopolite, comprenant des voyageurs de l’Europe entière qui ont décidé de rester dans ce petit paradis, d’où la présence de hippies de tout âge, qu’on peut éviter rassurez-vous ! Il y a aussi quelques hôtels, dont certains assez chic, un camping mais en général les gens louent un « cortijo » ou un appartement. Par contre, il faut se rendre dans les « villes » pour les commerces, l’essence et retirer de l’argent. Trois possibilités : la plus proche porte bien mal son nom, Campohermoso (« Beau champ », les gens du coin l’appellent « Campofeo », champ laid) est une ville quelconque sise au beau milieu de la mer de plastique, mais dotée de tous les commerces et services. Sinon, pousser jusqu’à Carboneras, jolie ville côtière ou encore mieux Níjar, capitale de la région et magnifique nid d’aigle andalou blanchi à la chaux pour sa partie ancienne.
Je suis encore sous le charme de cette toute récente découverte. Et je suis certain que je retournerai au Cap, comme tous ceux qui y sont un jour passés. Je vous conseille les sites suivants pour en savoir davantage. Buen viaje !