Premier coup d’essai concluant pour le quatuor Londonien. Le post-punk viscéral de « Beware Believers » place Crows parmi les poids lourds du genre. Voici un séjour hypnothique au coeur d’une Albion qui déchante. Du lourd.
Il y a quelque chose de profondémment acerbe dans ce premier album de Crows. Enregistré début 2020 au Fish Factory Studios dans le nord de Londres, « Beware Believers » tire un portrait peu flatteur d’une Angleterre post-Brexit en pleine crise existentielle. Habitué du circuit des pubs outre-Manche, Crows sort enfin un album digne de se nom, véritable chronique d’une nation dont les plaies n’ont jamais été aussi visibles que pendant l’épidémie de covid19. Voilà de quoi confirmer la bonne santé de la scène actuelle de post-punk anglaise.
Dès l’entame de « Closer Still », la quatuor pose les bases d’un post-punk aggressif teintés d’accents psychédéliques. Noir, hanté par les fantômes de The Fall et Joy Division, James Cox déballe son mal-être sur des guitares déchirantes chargées d’écho. Pas le temps de tergiverser, l’auditeur est frappé en pleine figure dès les premiers roulements de batterie de « Garden of England », deuxième titre de ce disque à l’efficacité redoutable. Tel un coup de pied frontal entre les deux yeux, cette pépite de tout juste deux minutes s’impose comme le titre phare de ce premier semestre. Binaire, direct, sans fioriture, voici le genre de morceaux qui devrait ravir les fans d’IDLES ou des suédois de Viagra Boys, de quoi installer durablemennt Crows parmi les poids lourds du genre..
On retrouve cette même énergie sur la très entêtante « Slowly Separate » et la violente « The Servant ». Puis Crows nous plonge dans l’atmosphère poisseuse des Stooges de Fun House sur « Moderation » en y ajoutant une touche purement British. Imaginez le Morrissey des 1980’s qui se paye un featuring de luxe avec les frères Asheton en backing band. Exquis, mélancolique à souhait, « Moderation » explore des univers jusque là peu abordés par le groupe. Même moment de grâce sur « Meanwhile » et son riff d’introduction pataud. Le titre explose finalement que sur son refrain avant de finir à toute berzingue sur un tempo dopé aux amphétamines.
Sans tomber dans le pamphlet politique lourdingue, « Beware Believers » aborde la période contemporaine avec un certain cynisme et une dose d’insolence bien venue (« Slowly Separate », « Only Time »). Il n’est pas surprenant de lire que le chanteur ait récemment confié avoir beaucoup lu d’ouvrages dystopiques ces derniers temps, reconnaissant au passage même un certain faible pour les travaux de Kurt Vonnegut et James Graham Ballard. deux maîtres du genre.
Certes Crows ne réinvente pas grand-chose et distille un son qui semble être celui du moment Outre-Manche. Les Londoniens se distinguent néanmoins par leur capacité à pondre un album cohérent de A à Z. Il n’y pas grand chose de glamour ni de poseur dans les complaintes électriques de la bande à Cox. Là où certaines formation anglaises pêchent par leur manque de sobriété, Crows fait dans l’efficace et l’urgent. On ne va pas s’en plaindre.