Emilie Tesson Hansen (Céline Sallette) est gestionnaire des ressources humaines au sein d’un grand groupe agroalimentaire. Suite au suicide de l’un des salariés, une enquête est ouverte par l’inspection du travail, et elle se retrouve alors menacée de poursuites pénales…
« Corporate » est le troisième film de Nicolas Silhol après « Tous les enfants s’appellent Dominique » et « L’Amour propre », sortis respectivement en 2008 et 2010.
« Corporate » est un film qui marque, un film important. Il aborde le délicat sujet du management en entreprise et de ses conséquences (parfois dévastatrices) sur l’être humain. A l’heure où les sujets du « burn out » et du bienêtre au travail sont au cœur de l’actualité, « Corporate » vient, avec justesse et finesse, décortiquer les techniques du management par la peur et l’intimidation auxquelles chacun d’entre nous pourrait être confronté.
Ce thriller psychologique est précis et bien dosé. Sans en « faire trop », ni caricaturer, il sensibilise, alerte ou éveille le spectateur face aux risques et aux violences induites par ces techniques, le tout dans un décor sobre et lisse.
La sensibilité et la perception du spectateur évoluent concomitamment à celles du personnage d’Emilie. Notre regard change avec le sien. Ou plutôt, accompagne le sien. Emilie est une belle et élégante jeune femme à qui tout réussit. Dotée au début du film d’une assurance, d’un contrôle et d’une distance incroyables, elle laisse finalement place, au fur et à mesure que l’enquête avance, à un être sensible, empathique, humain et empreint de moralité.
Plus le film et l’enquête avancent, plus son regard change. Le point culminant de cette évolution tient en un monologue où Emilie laisse place avec pudeur à toute sa culpabilité face à cette dynamique immorale à laquelle elle a contribué. Son regard n’est plus noir et laisse place aux larmes.
La vidéo a une place importante dans le film. Le personnage d’Emilie visionne en même temps que le spectateur des vidéos dans lesquelles elle se met en scène et évoque les techniques de management mises en place. Elle devient alors extérieure à cette réalité et peut, comme le spectateur, prendre la mesure du caractère perfide du management instauré. Le personnage prend conscience du cauchemar auquel il a contribué activement, sans en mesurer la violence.
Indépendamment du sujet principal du film, « Corporate » est un film de femmes. C’est un film sur la place de la femme dans un monde d’hommes, et ce à double titre : le personnage de l’inspectrice du travail (Violaine Fumeau) est l’incarnation « du bien » et de la moralité. Elle est imposée comme la véritable sauveuse d’Emilie et de sa conscience mais également comme la garante d’une certaine justice. C’est une femme combattante, une femme qui n’a pas peur et une femme qui gagne. En outre, le personnage de Stéphane Froncart (Lambert Wilson), responsable et recruteur sans états d’âmes contribue à mettre en relief cette dimension du film. Progressivement lâchée, laissée par son responsable tout au long de l’enquête, Emilie doit affirmer sa place et s’imposer, au risque de ne plus être « corporate »…
En synthèse, « Corporate » est un film qui vous saisit, un film auquel on pense et dont on parle. Je vous le recommande.
« Corporate », un film de Nicolas Silhol, en salle depuis le 05 avril 2017.