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Et le PS maintenant ?

Le Parti socialiste connait depuis ce dimanche une lourde défaite et nous voyons fleurir au lendemain de ce score des certitudes et des analyses hâtives. Il devient utile de prendre du recul.

On entend déjà parler de la mort du Parti de Jaurès… Ce n’est pourtant pas la première fois au cours de sa longue et tumultueuse histoire que le Parti socialiste est annoncé si proche de l’agonie. Le PS, ce n’est pas le phoenix qui renaît à chaque fois de ses cendres. Le PS ne meurt pas, mais il se refonde comme l’a rappelé récemment Henri Weber :

Première refondation : En 1920, lors du congrès de Tours de la SFIO, les trois quarts des délégués quittèrent la salle pour rejoindre le jeune Parti communiste. Léon Blum garda la vieille maison socialiste et devînt Premier Ministre du gouvernement du Front Populaire entamant une série de conquêtes sociales que nous connaissons.

Seconde refondation : En 1940 a lieu l’interdiction du parti et son entrée dans la clandestinité, en Résistance. En 1945, la SFIO reconstituée devenait le pivot de tous les gouvernements de la IV République.

Troisième refondation : En 1969, les socialistes Gaston Defferre et Pierre Mendès France (loin d’être d’illustres inconnus) ne rassemblent pas plus de 5% à la présidentielle. Le Parti entreprit une rénovation théorique majeure suite à Mai 68, une rénovation programmatique sous la plume de Jean-Pierre Chevènement et une rénovation organisationnelle des statuts favorisant l’unité et les unions. Cinq années plus tard, François Mitterrand échoua de peu face à Valéry Giscard d’Estaing.

Et aujourd’hui, est-ce si différent ?

Le contexte de cette élection présidentielle est particulier dans le sens où l’on découvre une quadripolarisation de la politique française qui se structure, selon Thomas Guénolé, autour de deux questions fondamentales : le rapport à la mondialisation et le rapport aux minorités, qu’il s’agisse de la minorité maghrébine ou de la minorité LGBT.

Il s’ensuit quatre grandes combinaisons possibles. Si vous êtes contre la mondialisation sous sa forme actuelle et ouvert envers les minorités, vous êtes altermondialiste : c’est Jean-Luc Mélenchon. Si vous êtes pour la mondialisation et ouvert envers les minorités, vous êtes pro-mondialisation : c’est Emmanuel Macron. Si vous êtes pour la mondialisation mais hostile envers les minorités, vous êtes conservateur : c’est François Fillon. Si vous êtes contre la mondialisation et hostile envers les minorités, vous êtes nationaliste : c’est Marine Le Pen.

Le faible score de Benoit Hamon n’est pas lié uniquement à son impréparation et aux failles manifestes de sa campagne. Dans cette curieuse élection, écrasée par les affaires, dominée par l’engouement pour des personnalités, les Français n’ont pas véritablement porté un jugement sur le bilan ou sur le projet socialiste.

Le candidat du Parti socialiste, qui a préféré mener campagne sur un « futur désirable » et moins à répondre aux préoccupations immédiates, était donc pris en étau entre deux blocs, ce qui a favorisé un vote utile de l’électorat socialiste pour battre Marine Le Pen au second tour en propulsant face à elle un autre candidat que l’ingrat François Fillon.

Nous n’assistons pas à une recomposition de la gauche mais uniquement à un désordre politique momentané. Le Parti socialiste a vocation à gouverner et à transformer. Et pour rebondir, ce vieux Parti engagera une refondation qui devra se structurer sur sa vision de la mondialisation, sa capacité à unir, à se moderniser et à s’ouvrir aux nouveaux laboratoires d’idées.

Mais ce ne sera pas si simple. Car l’enjeu du Parti sera de répondre à cette nouvelle classe sociale issue de la mondialisation malheureuse que le sociologue Guy Standing appelle le précariat, qui regroupe aujourd’hui plus de la moitié des français et qui fait exploser les deux votes anti système : le vote nationaliste et le vote altermondialiste.

On n’en est pas là aujourd’hui. Je voterai sans aucune hésitation Emmanuel Macron le 7 mai, car nous ne bâtissons jamais rien lorsque l’extrême droite est au pouvoir. Mais je garde à l’esprit l’immense chantier à venir pour la maison socialiste et les réponses que le PS devra apporter aux français sur ces deux fronts : celui de la mondialisation malheureuse que rejette majoritairement les Français et celui du nationalisme.

[NDLR : les convictions politiques diffusées dans les articles sont celles de leurs auteurs et ne représentent pas la Culture de l’Ecran]