Voilà le topo. On était début 2010. Notre pote Aël vivait à Damas depuis septembre pour un échange universitaire. Nous, on savait pas trop où c’était, la Syrie, ni à quoi ça ressemblait. Mais on s’est dit qu’une occasion pareille ne se présenterait peut-être pas deux fois. Et malheureusement, on croyait pas si bien dire. Alors on y est allés. Et on en est rentrés chamboulés à jamais, des souvenirs plein la calebasse et les semelles qui démangent.
13 juillet 2010
Le départ tant attendu. Lever 3h pour Maxime qui partira de Lyon en avion pour Roissy, 6h pour Nico et moi qui voyagerons en train. La hâte de l’Orient domine. Après un non petit-déjeuner, nous partons avec Nico pour la gare de la Part-Dieu, à Lyon. Retrait des billets, montée dans le train. Maxime nous fait savoir que son avion a fait demi-tour à cause d’un problème technique. Relative inquiétude, mais lui a l’air détendu. Voyage sans histoire jusqu’à Charles-de-Gaulle (pas le type, l’aéroport).
Terminal 2E. Maxime arrive. Effusions. Larmes. Poignées de mains émues. Plus sérieusement, on va s’enregistrer et on décide de trouver à manger. Le seul point bouffe est un putain de Flunch bio aux tarifs criminels et aux recettes de sandwiches douteuses. On embarque, Maxime en seconde, Nico et moi en classe affaire (merci les miles du père à Nico), comme de gros imposteurs (bienvenue dans un monde de privilèges). À peine les fesses ensiégées, le steward nous amène du champagne et du jus de fruits. À peine bus, le steward nous demande ce qu’on veut boire. À peine le martini blanc entamé, noix de cajou et cacahouètes. Vol normal, ponctué de repas gastronomiques, de vins sélectionnés, de films moyens. Je découvre avec délectation la mallette bienvenue d’Air France, les couvertures, les coussins.
Descente de l’avion. On montre nos petits visas aux douaniers. Une fois dehors, les taxis nous fondent dessus. On monte dans la bagnole de l’un d’eux, qui ne parle pas un mot d’anglais, et qui ne comprend visiblement pas que nous ne comprenons pas un mot d’arabe. Alors il parle. Aël nous a filé son adresse dans le centre de Damas, mais on doit prononcer comme des quilles parce que le chauffeur ne comprend pas un mot de ce qu’on lui dit. Le type finit par nous dire qu’il voit où c’est (enfin c’est ce qu’on comprend), et il nous demande d’appeler Aël pour lui parler. On lui passe le téléphone, et le voilà parti dans on ne sait trop quelle conversation avec notre pote. On hallucine.
D’un coup, le type s’arrête, toujours au téléphone, et descend. C’est qu’on doit être arrivés. C’est une place bordée d’arbres avec un genre de square. Il nous remercie, nous serre la main et taille la route. Des types commencent déjà à se ramener vers nous et à nous parler en anglais. Hi, where are you from? What you looking for? The French guy? Ah yeah, he lives here! Et les types nous amènent tout simplement devant l’immeuble d’Aël. On hallucine toujours autant. On gravit les marches, on soulève le pot de fleur, les clés sont bien là. Aël est en train de s’enjailler dans on ne sait trop quelle réception pré-14 juillet à l’ambassade de France, alors on l’attend. On découvre son appart, terrasse avec vue sur Damas, fontaine, plantes dont jasmin, balancelle. Il finit par arriver. Effusions. Ça fait presque un an qu’on ne s’est pas vus. C’est complètement surréaliste de se voir ici, et pourtant. On descend acheter des falafels. Aël cause de foot en arabe avec les types de la boutique. On est fiers de notre pote. On rentre, on discute, on boit un coup, et on s’endort, dans la douceur de la nuit damascène.