SOTW #99 : I Am The Cosmos, Chris Bell

J’ai eu il y a quelques années une véritable révélation en découvrant le premier album de Big Star, « #1 Record », pépite pop rock mélodique datant de 1972 qui ne rencontra à cause d’une poisse monumentale aucun succès public à sa sortie mais fit au fil des années bon nombre de convertis parmi la crème des rockers, de REM à Primal Scream, gagnant rétrospectivement le statut d’album culte. Destin rare et tragique pour un disque, et destin plus tragique encore pour ses créateurs, les auteurs-compositeurs, chanteurs et musiciens Alex Chilton, et Chris Bell. Je me suis depuis penché sur leurs carrières respectives et ai développé une grande admiration doublée de tendresse pour ce dernier. Je vous ai d’ailleurs déjà soumis sa vigoureuse et merveilleuse composition « Feel » (Song of the Week #31), qui ouvre en fanfare « #1 Record ».

Né en 1951 à Memphis, Mecque musicale du Sud profond aussi truculent que conservateur, Chris Bell s’est donné corps et âme dans le projet Big Star, peaufinant jusqu’à l’obsession cette pop aussi brillante que sensible et l’échec public l’a complètement démoli, le conduisant dans les affres de la dépression et à tous les excès hédonistes. Dans un accès de rage, il détruisit les masters de son chef d’oeuvre et quitta Big Star. Et si Chris Bell a enregistré des chansons en tant qu’artiste solo ensuite, en Europe (au Château d’Hérouville en 1974, à Londres en 1975 où il rencontra son idole Paul McCartney) puis de retour dans le Tennessee, seul un single a vu le jour en automne 1978, comprenant la délicate ballade « You And Your Sister » (avec les choeurs d’Alex Chilton) et « I Am The Cosmos », formidable chanson mid-tempo où l’on retrouve tout ce qui faisait le sel des compositions de Chris Bell avec Big Star.

Une telle mélodie qui tue chantée façon folk soul ne saurait laisser quiconque indifférent. La voix aiguë mais virile de Chris Bell l’élève vers la stratosphère, la magnificence de la guitare fait que cette chanson au titre un peu ridicule est à tous points bouleversante, et devient vite obsédante. Car cet écorché vif beau comme un Caravage chante le désespoir amoureux de façon universelle. Cette grande chanson américaine n’eut, on pouvait s’y attendre, aucun succès. Chris Bell n’eut pas le temps d’en souffrir, il mourut en décembre 1978 à 27 ans dans un accident de voiture, seul contre un poteau. Heureusement, des musiciens amis et thuriféraires réussirent à compiler tous ces enregistrements en 1992, dans l’album posthume « I Am The Cosmos », que je vous conseille ardemment.

Reprise très réussie et cohérente par un fan ultime, Beck, en 2013 :