En juillet 2015, Nick Cave a vécu une tragédie personnelle. Son fils Arthur, seize ans, a chuté d’une falaise près de Brighton ou réside la famille Cave après avoir pris pour la première fois du LSD et en est mort. Et il est surprenant d’assister au retour discographique de l’artiste australien si peu de temps après ce drame. « Skeleton Tree », seizième album de Nick Cave & The Bad Seeds est sorti ce septembre, accompagné d’un film documentaire « One More Time With Feeling » qui raconte la création de ce disque.
Compte tenu des circonstances, on ne pouvait raisonnablement pas s’attendre à un album bruyant et enlevé. « Skeleton Tree » est à ranger aux côtés de « The Boatman’s Call » (1997), sublime recueil de ballades émotionnelles. A part que ce dernier disque ne parlait que d’amour. Celui-ci traite de deuil et de reconstruction et Cave n’a pas pour autant tenté de surjouer une émotion pourtant bien légitime. Avec l’aide de son fidèle lieutenant Warren Ellis, compatriote entré dans les Bad Seeds par la petite porte il y a vingt ans au poste de violoniste, il a créé une matière sonore faite des boucles rythmiques, de strates soniques aériennes ou étouffantes sur lesquelles s’élèvent d’éparses notes de piano, des esquisses de cordes et des grondements de basse, continuant ainsi les recherches sonores étrennées en 2013 sur le très bon « Push The Sky Away » (il faut dire que le travail sur ce disque, comme son enregistrement, ont débuté avant le drame). La voix du grand crooner qu’est Nick Cave est moins altière, moins assurée sur ce disque, sans doute plus plaintive mais toujours extrêmement juste. Il n’est pas là pour charmer mais pour émouvoir, sans forfanterie.
« I Need You » est la chanson la plus « traditionnelle » de ce court recueil (qui n’en compte que huit), en forme d’ample ballade mélancolique. Certains la qualifieront d’un peu trop larmoyante, pas moi. Le groove minimaliste mais terrien asséné par les vieux complices Thomas Wydler (batterie) et Martyn Casey (basse) soutient une structure musicale flottante et envoûtante, qui nous fait retrouver cette version du blues que déclinent les Bad Seeds depuis leurs débuts, flottant, sombre et élégiaque, pour décrire des flashes de vie de tous les jours après la catastrophe (« We love the ones we can, cause nothing really matters« ).