Damon Albarn n’arrête donc jamais. L’infatigable Londonien annonce en plus ses projets bien avant que ceux-ci ne se réalisent. A peine « Meanwhile » édité, nouvel EP de Gorillaz hommage au carnaval de son quartier de Notting Hill, prélude à une tournée du groupe « virtuel » estivale XXL, il présente les premières chansons d’un album solo, le second après l’excellent « Everyday Robots » sorti en 2014 (la chanson titre avait été la SOTW #3). « The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows » (plus la source est proche, plus pur coule le ruisseau), dont la sortie est prévue le 12 novembre est un album qu’il décrit poétique, intime, orchestral et inspiré par la nature islandaise. Islande où il réside une partie de l’année depuis la fin des années quatre-vingt-dix et dont il a très récemment acquis la citoyenneté (en ces temps post-brexit, c’est peut-être un joli coup…). Ne vous attendez pourtant pas à ce que Damon Albarn fasse du Björk (oui, je sais, elle était facile). On retrouve dans les quelques chansons déjà rendues publiques ce qui faisait la beauté de son premier album solo, avec ses ballades flottantes et ses climats aériens. A la différence qu’« Everyday Robots » proposait des arrangements très minimalistes, voire rêches et que « The Nearer The Fountain… », de toute évidence, est beaucoup plus luxuriant. Il faut dire qu’Albarn avait commencé à travailler des pièces orchestrales en Islande en 2019 pour célébrer la beauté de la nature de sa nouvelle patrie septentrionale. Le confinement lui a permis de revenir sur cette matière dans son studio du Devon et de créer des chansons avec onze chansons pour explorer les thèmes qui l’obsédaient pendant cette période : la fragilité, le deuil, l’éveil et la renaissance. Le tout inspiré par le poète anglais John Clare, qu’il vénère depuis l’adolescence et auquel il emprunte le titre de l’album, ainsi que le texte de la chanson titre.
Alors que le talent vocal de Damon Albarn a rarement été autant mis en valeur qu’ici, les mélodies diffusent une mélancolie aussi tenace que bienfaisante. Polaris est, dixit le dossier de presse, l’une des chansons les plus pop de l’album. Elle est en effet extrêmement accrocheuse, s’approche du meilleur Gorillaz comme des plus belles ballades de Blur. Lancée par la modulation cacophonique d’un sax ténor (joué par Mike Smith, couteau suisse, partenaire musical et homme de l’ombre de tous les projets d’Albarn depuis le « Think Tank » de Blur) avant que se posent des nappes de synthé et que se lance une boîte-à-rythmes syncopée, puis un arpège de guitare (Simon Tong, ex-the Verve et membre de The Good, The Bad & The Queen), Polaris s’épanouit comme une fleur. La joliesse de la mélodie, la vigueur du refrain avec ces très beaux chœurs, le solo de saxophone enjoué avant le decrescendo final, tout concourt à la réussite du morceau et démontre, si besoin est, l’immense talent de créateur de Damon Albarn, véritable Homme de la Renaissance rayon musiques. « See the birds they have been taken by the wind, they are not together now, they will have to wait until tomorrow, to see each other again » (voyez les oiseaux emportés par le vent, ils ne sont plus ensemble maintenant, ils devront attendre jusqu’à demain pour se revoir), les paroles du refrain sont en outre une jolie métaphore des temps que nous avons dû vivre. Et oui, dit-il, nous allons nous retrouver. En attendant, dans un format inédit, avec son groupe et un quatuor à cordes, Damon Albarn va assurer quelques concerts en Europe (prévus en 2021, repoussés à 2022) et j’aurai la chance d’assister à celui à l’Auditorium de Lyon le 6 mars. On peut raisonnablement s’attendre à un grand moment… Alors mon cher Damon, une fois cette passionnante aventure musicale terminée et la forcément mirifique tournée Gorillaz pliée, et si tu relançais Blur ?