Une nouvelle vague de pop chantée en français semble s’être abattue sur nos côtes, on ne compte en effet plus les nouveaux artistes qui allient recherche musicale, expériences pop et langue de Molière, qui vit un vrai retour en grâce après avoir été quasiment éradiquée par un usage exclusif de l’anglais, souvent pour de mauvaises raisons (« c’est difficile de faire swinguer le français », « pour exploser à l’international, il faut passer par l’anglais » et autres fadaises du genre) et avec une approximation linguistique souvent risible. Ainsi, le nouvel et second album de PEREZ, « Cavernes », est tout simplement l’un des meilleurs disques du moment.
Julien Pérez eut une première vie comme chanteur qui tenait les claviers dans le groupe bordelais Adam Kesher qui faisait de la pop anglaise à la New Order ou américaine à la Rapture en anglais. En 2011, après deux albums et quelques EP, quelques tournées et participations à de grands festivals, Adam Kesher splitte et PEREZ se débarrasse de son prénom et de son accent pour embrasser une carrière solo pour laquelle il revient à l’usage exclusif du français pour écrire. Choix inspiré, car PEREZ n’a pas son pareil pour écrire des micro-fictions particulièrement bien tournées, littéraires et percutantes, créant immédiatement un univers pour chacune des chansons qui composent « Saltos », son premier album sorti en 2013. Etienne Daho, fan de la première heure, le parraine en l’invitant en première partie de sa tournée et il est vrai qu’on retrouve chez PEREZ la fraîcheur electro pop de certains de ses disques. Les singles « Gamine », « Les vacances continuent » ou « Apocalypse » ne rencontreront toutefois pas vraiment le succès.
Pour son second effort solo, PEREZ désormais installé à Paris s’exile à Berlin pour travailler avec le producteur bordelais expatrié Strip Steve, décide de prendre en charge toute l’instrumentation purement électronique de ce que sera « Cavernes ». Au milieu des séances, les deux compères visitent compulsivement les musées et profitent des joies du clubbing au Berghain et autres clubs pointus de la capitale européenne de l’electro, loisirs qui influenceront forcément l’écriture et la mise en son. Et si les influences deep house et techno pointaient déjà dans « Saltos », elles s’épanouissent tout au long de « Cavernes ». Le single « Niki » est aussi dansant que cinglant, avec des sons rêches. « Cerveau » déroule un bijou de texte sur un groove mécanique, « La salle de bain » est une mélancolique ballade flottante très réussie. « Le dernier tube de l’été » ne sera jamais joué dans les boums de camping, trop décalé, trop étrange, trop ironique. Pourtant, cet ostinato a tous les attributs du tube entêtant, tout de suite identifiable par ses arpèges de synthés, la voix nimbée d’écho chantant le malaise d’un homme redoutant la chaleur de l’été, la redoutable accélération du tempo et la mutation de la chanson en une bombe trance pour précipiter les danseurs sur la piste, ce qui est gonflé de la part de quelqu’un qui avoue ne pas être un danseur naturel.
Danser au fond de la caverne, du night-club, de la psyché humaine, c’est rien moins ce que PEREZ nous propose. Et c’est une réussite.
NB: le clip officiel, tourné au hasard des rues de Berlin et diffusant un malaise diffus est stoppé net avant la fin du morceau. Pour une version complète, préférez la version live.
Version live :