Il va falloir s’habituer à ce que la grande faucheuse emporte des personnalités musicales qui ont accompagné notre vie, orienté nos apprentissages et créé des motivations chez chacun d’entre-nous, obsédés par la bonne musique. C’est dans l’ordre des choses, paraît-il, mais soixante-six ans, c’est un bien jeune âge pour mourir. Tom Petty n’avait sans doute pas l’aura extra-terrestre d’un Bowie ni l’intense créativité virtuose d’un Prince mais a pleinement représenté un rock américain d’une dignité absolue, rock aux mélodies chromées ultra-catchy, aux savoureuses guitares et aux arrangements pleins de finesse. Tom Petty mérite bien un sincère hommage.
Né à Gainesville, au coeur de la Floride redneck, Petty a mangé de la vache enragée pendant neuf ans avant qu’un producteur le signe sur son label et l’emmène en Californie. Après un échec patenté avec son premier groupe, Mudcrutch, il forme avec certains de ses fidèles potes de lycée the Heartbreakers, dont le premier disque en 1976 sera très bien reçu… En Angleterre ! Inimaginable quand on entend cette musique purement américaine. Il faudra quelques hits avant que Petty soit enfin prophète en son pays, où il vendit à partir de 1979 des semi-remorques de disques. « American Girl », quintessence du style Heartbreakers aujourd’hui considérée comme une indiscutable perle du songbook américain ne fut même pas classée dans le billboard.
Cette chanson sonne aussi fraîchement aujourd’hui qu’en 1976. Les guitares d’intro, jouées par les mains expertes de Tom Petty (excellent rythmique) et de Mike Campbell sonnent comme la douze-cordes de Roger McGuinn des Byrds, les choeurs pop évoquent les Beatles, la rythmique urgente est clairement redevable aux tempos syncopés de Bo Diddley. Ces références déférentes et intouchables sont toutefois animées par une énergie à revendre, une voix spontanée et enthousiaste et une ambiance électrique directe préfigurant la new-wave et la power-pop. On s’imagine volontiers chanter « American Girl » au volant, sur une highway californienne. Ce n’est donc pas un hasard si ce standard a été utilisé dans de nombreux films, comme dans « le silence des agneaux », dans une scène en automobile d’ailleurs, tant son pouvoir évocateur est manifeste. Cet hymne à l’optimisme a été repris par une multitude de groupes et d’artistes. Et quand on y prend garde, le riff de « Last Nite », hit en or des Strokes, n’est-il pas une citation même pas déguisée d’« American Girl » ? Le pont funky, quant à lui, a servi de base au savoureux et groovy hit des Fun Lovin’ Criminals « Big Night Out ». Alors oui, oldie mais super goldie que ce hit de Tom Petty, dont le coeur, et c’est ironique, s’est vraiment brisé.
Live 1978 :