Oldie but goldie. Je n’ai guère d’affection pour les années 80, musicalement et esthétiquement s’entend. Je n’en aime ni le son, ni la frime nouveau riche, ni les solos de sax, ni les coiffures, ni les fringues et rien ne m’afflige autant que de voir des jeunes gens se trémousser sur des tubes d’un autre âge qu’on vomissait quand ils étaient pilonnés sur les radios libres, MTV ou au Top 50. Pourtant, les prémisses de tout cela n’étaient pas honteuses, loin de là. Prenez The Human League. Un gang prolo de Sheffield qui après avoir découvert Kraftwerk a décidé dès 1978 de faire une pop music 100% électronique, utilisant exclusivement des synthétiseurs et des boîtes à rythme. A leurs débuts, ils écrivaient des chansons en accord avec ce son résolument moderne, créant un univers d’anticipation assez inquiétant. Mais la puissante voix du chanteur au charisme indéniable Philip Oakey (maquillé, influence glam oblige, comme une voiture volée, bardé de cuir noir, portant des bottes de motard et arborant une discutable, quoique spectaculaire coupe de cheveux asymétrique) donnait à l’ensemble un côté bizarrement catchy. Adoubés par Bowie lui-même qui voyait en the Human League le son de la pop du futur, ils obtiennent même un mini-succès avec l’impayable « Being Boiled » en 1979. Las, le quatuor se disloque l’année suivante, les deux « musiciens » partant fonder Heaven 17 (autre grand groupe de cette période), les deux autres gardant le nom et ne sachant pas trop quoi faire. Oakey ne joue de rien et son collègue Adrian Wright ne s’occupait que des lumières et des projections.
C’est en traînant dans les clubs à la mode de Sheffield (le mouvement « New Romantic » bat alors son plein et les dégaines les plus extravagantes paradent en discothèque) que le duo remarque deux lycéennes au look totalement « Girl next door » qui se trémoussent sur « Tainted Love » de Soft Cell et leur propose d’intégrer the Human League comme chanteuses, apportant ainsi un glamour ordinaire très anglais qui eut un impact immense sur le public adolescent. Deux « vrais » musiciens, le bassiste influencé par le dub Ian Burden et Jo Callis, le guitariste du groupe punk écossais the Rezillos complètent la ligue, apportant leur talent musical mais devant remiser leur instrument pour respecter la doxa 100% synthé. Enfin, l’émérite producteur Martin Rushent (Stranglers, Buzzcocks et, aïe, Téléphone) relevant le défi de traduire en vocabulaire pop toutes les idées du groupe. De ces sessions peu banales sortira le classique « Dare », premier album électronique numéro un des ventes des deux côtes de l’Atlantique, grâce au carton du quatrième single, « Don’t You Want Me ».
Mais auparavant est sorti « Love Action (I Believe In Love) », probablement la plus solide composition du répertoire de Human League. Débutant par une lancinante modulation synthétique (en fait, le larsen d’un clavier qui n’avait pas été éteint) puis par un tapis électronique sensuel avant que ne rentre la martiale boîte à rythme, les gimmicks de percussion et la voix de baryton de Philip Oakey qui croone « When you’re in love, you know you’re in love, no matter what you tried to do ». Couplet impeccable qui ouvre sur un refrain simplissime d’une efficacité record, malgré le (ou plutôt grâce au) choeur malhabile des filles. Le pont martelé est presque glam rock et le long final ad libitum avec glissandos de claviers finit par vous hypnotiser. La chaleur humaine contre la rigueur des machines aura rarement aussi bien fonctionné.
Clip officiel, single edit (pour la redoutable esthétique de l’époque…) :