Je ne suis pour ainsi dire jamais en phase avec les goûts du grand public. Je n’écoute pas les radios musicales, et la playlist de France Inter est la seule ayant la chance de résonner dans mes oreilles. Je ne fréquente plus les discothèques depuis des lustres et je n’ai donc aucune raison de connaître ce qui est en vogue actuellement. Quelle ne fut donc pas ma surprise d’apprendre que « One Dance », chanson de Drake (featuring la chanteuse britannique Kyla Reid et le DJ nigérian Wizkid) a rencontré un succès monstre, la chanson la plus vendue et téléchargée en France et un peu partout dans le monde en 2016…
J’aime beaucoup Aubrey Drake Graham, alias Drake, l’une des plus indiscutables pop stars actuelles, et nombre de ses chansons m’ont carrément enthousiasmé, telles « Take Care » (merveilleux duo avec sa soulmate Rihanna, merci les Inrocks et leurs compils, je serais sinon passé à côté…), « Hold On, Were Coming Home », « Legend » ou naturellement la si sexy « Hotline Bling » (SOTW #71 et chanson de l’année 2015 pour cette rubrique). J’ai donc sans hésiter acquis « Views », consistant opus sorti en 2016, long recueil de chansons épais et touffu que j’ai eu du mal à apprivoiser. C’est en écoutant négligemment « Views » que des chansons saillantes se sont imposées à moi. L’évident effort hip hop « Pop Style », la très dancehall « Controlla », le duo avec l’amie Rihanna « Too Good » et ce « One Dance » m’ont servi de sésames (de béliers ?) à ce disque majeur de la pop d’aujourd’hui.
Revenons donc à « One Dance ». Drake se présente une fois encore comme le chanteur le plus sentimental du genre R n’B qui de sa voix douce invite sa cavalière (ou son cavalier, on peut toujours rêver…) à n’être qu’un sur la piste, en une osmose sensuelle et rythmée. Que celle ou celui qui n’a jamais eu ce désir le fasse savoir, et on le plaindra sincèrement. L’irrésistible scansion rythmique est franchement caribéenne, influencée par le dancehall jamaïcain et l’afrobeat (on retrouve la pulse imparable de « Work », son impeccable duo avec encore Rihanna) et fait sans coup férir onduler les corps. Mais ce qui perdure chez le Canadien, c’est l’économie de moyens qui gouverne ses compositions. Arrangements épars, mélodies de comptines, le minimalisme comme vertu cardinale, le tout étant d’une efficacité indiscutable. La frime n’a aucun droit de cité chez Drake, chanteur et créateur fleur bleue et mélancolique, aux antipodes du bling bling. Que le grand public (qui bougera son boule sur « One Dance » comme sur du reggaeton, et ce n’est pas si grave) et moi-même nous accordions sur « One Dance » est évidemment accidentel. Alors profitons de ce rare état de grâce!
C’est peu commun, voire exceptionnel, mais ce hit monstrueux n’a pas de clip… Sans doute n’en aura t-il jamais besoin… Voici donc de quoi l’écouter en streaming (téléchargement gratuit disponible) :
Live (capture salle) enchaîné avec l’excellent « Controlla », début « One Dance » : 2’07s