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Comment s’émanciper de Facebook en 2018

La solution peut être très simple : ne pas se connecter, ne pas utiliser Facebook, supprimer son compte (suivez ces étapes et téléchargez une copie de vos données au passage). Mais si on souhaite garder les avantages du réseau social au f minuscule, sans les inconvénients et sans trop se prendre la tête, comment faire ? Tentative de réponse ci-dessous.

Pour les flemmards, vous pouvez aller directement à la fin en cliquant ici : TL;DR.

A l’origine et dans ses multiples évolutions ces dernières années, Facebook a permis de répondre à différents objectifs en tant que réseau social. Il peut même s’arroger le titre de réseau social le plus complet et pratique. Au départ un outil de communication entre étudiants, il est devenu à la fin des années 2000 l’endroit où les vieux amis se retrouvaient après des années d’éloignement, où chacun balançait ses photos de vacances et son avis sur telle ou telle info ainsi que ses états d’âmes. Rarement très intéressant, mais souvent distrayant, on s’y envoyait des liens et des pokes. La pub était présente mais pas trop intrusive. On savait que nos informations perso étaient réutilisées mais on s’en foutait un peu, candidement, malgré les avertissements de pas mal de spécialistes et d’un type appelé George qui a écrit un bouquin en 1948.

Aujourd’hui, le « réseau social » n’a plus grand chose de social. Un flot d’informations se déverse sur nos newsfeeds. Les algorithmes de Zucky font le tri dans ce qu’on doit voir parmi toutes nos pages likées depuis 10 ans et il faut passer par une multitude de réglages pour faire apparaitre les posts de nos amis en tête de liste. À la suite de ces actualités « plus importantes » que les autres on trouve un mélange entre des personnes qui se taguent sur des vidéos « rigolotes » ou de bouffe horrible (sérieux, les spaghettis dans le Mont d’Or ?) et des pubs qui sont de plus en plus flippantes… Pour parfaire le tout, le dernier scandale de Cambridge Analytica (un de plus), confirme les pires prévisions de Mr Orwell.

Si vous n’avez pas vraiment suivi, voilà un rapide résumé de la situation. En 2013, un prof de l’université de Cambridge, Aleksandr Kogan, crée une application « thisisyourdigitallife » pour une étude académique (a priori) à laquelle 270 000 personnes s’inscrivent via leurs profils Facebook (le fameux bouton bleu « S’identifier avec Facebook »). A ce moment-là, les utilisateurs offrent à l’application l’accès aux données de leurs amis en plus des leurs. À l’heure de rédaction de cet article, le total de comptes touchés dépasse les 87 millions. Ces données ont ensuite été facilement rachetées par la société Cambridge Analytica, financée en grande partie par le milliardaire d’extrême droite Robert Mercer et co-fondée par Steve Bannon, chef exécutif de la campagne de @realDonaldTrump en 2016 et lui aussi, militant d’extrême droite. Ces données seront utilisées par cette même campagne pour cibler de façon très précise les utilisateurs anglo-saxons de Facebook et, de facto, électeurs, afin d’influencer leur vote lors du referendum sur le Brexit et la campagne présidentielle américaine ensuite. Est-ce que ça a fonctionné ? Toi-même tu sais. Plus d’infos ici.

Bref, faute de pouvoir vraiment dompter la bête (même avec la mise en place de la RGPD) et sans volonté apparente de la direction de Facebook de changer de direction, il est peut-être temps de se barrer de cet asile dirigé par ses fous.

1. Suivre les actualités de ses potes

Facebook touche de moins en moins la jeunesse, la majorité des inscrits faisant maintenant partie d’une tranche allant de 18 à 35 ans environ. Je vais donc surtout m’adresser à ces gens-là. Pour nous en fin de vingtaine voire trentenaires, après 10 ans passés sur FB, et autant de statuts, liens et photos postésdiaspora, où peut-on se retrouver de façon saine (en limitant l’utilisation de nos données personnelles) et en ligne (sinon le bistrot est bien entendu l’endroit idéal) ? Actuellement, il n’existe pas de solution simple à ce problème. La meilleure option serait probablement l’inscription à un réseau social décentralisé open source avec un accent mis sur la protection des données comme diaspora* (Ong.social, steemit ou Minds sont aussi de bonnes options). Malheureusement rien d’existant ne permettra d’importer votre historique facebookien, ni d’avoir les mêmes amis ajoutés en 2008 que l’on aime bien stalker. Il faudra repartir de zéro, mais en toute sécurité. La firme de Zucky a bien verrouillé le paysage en rachetant WhatsApp et surtout Instagram et est aujourd’hui en situation de monopole, même si le CEO essaye de s’en défendre. On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et… le reste.

La dernière mode en termes de social networking entre copains, c’est le finsta. Pour les personnes ayant un profil privé sur Instagram avec seulement vos potes, vous pouvez sauter ce paragraphe, pour les autres voilà le topo. Très populaire chez les adolescents, le finsta est en fait un compte privé sur « Insta » qui permet de se lâcher un peu auprès d’une petite communauté de proches qui pourront suivre votre quotidien. Exit le personal branding, on est dans le règne de la photo moche, du truc rigolo qui passe par la tête et du meme de niche, sorte d’inside joke en ligne. On parle d’un compte avec 20 followers où le fond importe plus que la forme, même si celui-ci n’est pas bien profond. Par contre, pour le contrôle des données personnelles, on repassera (bien qu’Instagram vient de lancer son outil officiel de téléchargement de ses données, comme sur Facebook). Mais ça ne changera pas grand chose, l’ensemble de ce que vous postez appartiendra à la firme de Zucky in fine.

Conclusion, compromis obligatoire. Si vous voulez stalker, dites adieu à vos données.

2. Discuter avec ses potes

Le nerf de la guerre. Une idée que Facebook a réussi à reprendre et développer c’est la connexion entre deux personnes, ou un groupe de personnes, sans numéro de téléphone ni adresse email et seulement leur nom ou pseudo (à l’anonymat limité). Bien ouej’ mec. Le petit souci, c’est qu’apparemment, ces messages privés, ne le seraient pas tant que ça… La dernière once de confiance que l’on pouvait accorder à Zucky est en train de disparaître et plutôt que d’attendre une solution de sa part qui ne viendra peut-être jamais, prenons les devants et choisissons une messagerie simple, efficace, multi-plateformes qui met au centre de son fonctionnement la protection de notre vie privée. On a même le choix, il y en a au moins deux qui existent : Telegram et Signal !

La première est probablement la plus populaire. Créée par deux Russes, Pavel et Nikolaï Dourov, et complètement auto financée par leurs fonds propres, on peut, a priori, lui faire confiance. Elle est d’ailleurs utilisée par nos chers politiciens et pas mal de terroristes, gage de probable confidentialité des données, même si cette pub n’est pas du meilleur goût… Elle est aussi très populaire dans les pays du Moyen-Orient et en Russie, car elle n’appartient pas à une multinationale occidentale (choix politique et pratique car certaines applications venant de développeurs américains sont parfois bannies dans les pays sous blocus comme l’Iran).

signalLa deuxième est une application soutenue par Edward Snowden, un mec qui s’y connaît un peu en matière de confidentialité (matez Citizenfour !). Aussi simple à utiliser, Signal est un peu moins populaire que Telegram, bien qu’encore plus avancée en termes de technologie de protection des données (basée sur les protocoles développés par Open Whisper Systems). L’application se paye aussi le luxe de contourner la censure parfois mise en place par certains gouvernements grâce à une petite astuce. Seul point négatif, pas encore d’application optimisée pour iPad/tablette.

Je n’ai pas parlé de Snapchat ou WeChat (très populaire en Chine), car en matière de protection des données, laissez tomber. Et pourquoi pas WhatsApp ? Assez simple. Bien qu’utilisant le même protocole de cryptage de message que Signal, la firme appartenant à Facebook récupère et partage avec la maison mère toutes les métadonnées de vos conversations. C’est à dire, avec qui vous parlez, où, quand, etc. Même si elle ne sait pas ce que vous dites, elle en sait déjà un peu trop. Signal ne garde pas ces données.

3. Partager ses photos avec ses potes

Instagram. Voir paragraphe 1, alinéa 2.

Si vous faites de jolies photos ou que vous cherchez à les diffuser avec un meilleur rendu que la lightbox Facebook, des outils comme Flickr (qui vient de se faire racheter par Smugmug – bonne nouvelle a priori) ou 500px existent. Au sujet des données, les sites en question collecteront les informations EXIF de vos photos (localisation, matériel utilisé, date et heure, etc.) ainsi que ce que vous donnez comme info dans le formulaire d’inscription, en plus des cookies.

Si vous préférez les partager avec une audience plus restreinte que la planète entière, vous pouvez facilement créer des albums en ligne avec iCloud (chez Apple), Google Photos ou Dropbox (services multiplateformes) entre autres. Attention à vos réglages de confidentialité, comme la localisation des photos, avant de les mettre en ligne.

4. Rester informé pour discuter avec ses potes

Comme on le disait en début d’article (si vous êtes arrivé jusque là c’est cool, merci, big up), le Facebook actuel est aussi distributeur d’informations provenant autant de médias de masse qu’indépendants. Bon point pour le réseau, il a permis la mise en valeur de ces derniers et la multiplication des sources et connaissances sur certains sujets d’actualité. Si on prend le côté négatif de la chose, le tri fait par Facebook est basé sur la puissance virale des actualités (du like, du like et du like), ajoutée au sponsoring (aka payer Zucky) pour pousser le post en haut du newsfeed de la personne ciblée. Hello potentielles fake news! Comment qu’on peut faire donc pour retrouver un système d’information plus ou moins chronologique et pas trop distordu ?

MastodonSolution la plus simple, Twitter. Les comptes de médias disponibles sur Facebook le sont aussi sur le réseau du cui-cui (la plateforme de microblogging étaient d’ailleurs pionnière à ce niveau-là) et il suffit de se créer un compte et suivre de nouveau vos chaines d’infos préférées. Ça prend littéralement 10 minutes et le système de like et commentaire existe aussi (et est souvent bien plus marrant que sur FB). Question données personnelles, on est un peu dans la même ligue que Facebook, la seule vraie différence venant du fait que vous pouvez utiliser un pseudo complètement anonyme si vous le souhaitez. C’est toujours ça de pris. Pour ceux qui cherchent à utiliser Twitter pour rigoler entre copains mais en gardant le contrôle de leurs données privées, le réseau Mastodon existe. Pas de médias de masse là-bas, pas de pub, contrôle total de vos données, le tweet devient un pouet, on est dans le réseau social « indé ».

Autre option qui permet d’avoir accès aux articles entiers des sites gratuits (et extraits des sites payants) et qui fait fi de la publicité (ultime argument), le bon vieux flux RSS. Recherche de flux et logiciel dédié sont les seuls efforts à fournir pour commencer (si on ne veut pas utiliser son navigateur), mais attendez-vous à un confort total ensuite. Pour mon utilisation personnelle, j’ai transféré mon vieux compte Google Reader (RIP) chez Feedly il y a quelques années et j’utilise l’excellent Reeder sur iOS pour la lecture des articles. Classement par sujet, gestion d’articles lus et non-lus, favoris, téléchargement pour lecture hors ligne et j’en passe. Le top pour les trajets en transport en commun ou pour échanger les minutes perdues sur Facebook par des minutes gagnées à s’informer. Dans le même genre, Pocket et Instapaper proposent quelque chose de semblable, ainsi que les extensions de listes de lecture intégrées à Chrome ou Safari, mais le RSS a un petit côté internet vintage que j’affectionne particulièrement. Si vous souhaitez suivre la Culture de l’Ecran, il suffit de rentrer cette adresse dans votre lecteur préféré : https://laculturedelecran.com/feed

5. Organiser et participer à des événements avec ses potes

Là, ça va pas être facile. J’ai eu beau chercher, je n’ai rien trouvé sur les internets qui permettait d’organiser et inviter des personnes à un événement aussi simplement et avec la même ampleur que Facebook aujourd’hui.

Pour les événements de petite taille entre proches, il y aurait bien Slack. Destinée au monde professionnel de prime abord, l’application de gestion de projets multiplateformes peut aussi être utilisée par un groupe d’amis. Pas forcément très marrant pour ceux qui l’utilisent déjà toute la journée au boulot, mais il faut avouer que c’est pratique. Ça change de la sempiternelle chaine d’emails où personne ne retrouve jamais rien. Question confidentialité, dans sa version gratuite, l’administrateur d’un groupe Slack ne peut pas exporter les données provenant de chaînes privées ou de messages directs entre utilisateurs, seulement celles des chaînes publiques.

En revanche, à partir du moment où l’événement implique plusieurs organisateurs, ou une boite de prod’ pour un concert, spectacle ou autre, il n’existe pas grand chose d’aussi simple à utiliser que les événements Facebook pour rameuter la masse. À une époque, la section événements de Last.fm était un lieu rempli de joie et de volupté, mais ce temps est révolu. Il existe donc une petite place pour la création d’une potentielle application créée par une start up de la start up nation de notre chère démocratie française (pas) tellement bottom up (j’ai quelques idées, comme dirait Kanye West).

En attendant, il suffit de se refiler les bons plans à l’ancienne, via vos applications de messagerie préférées ou mieux, IRL, ça fait pas de mal !

TL;DR

Zucky et ses potes ont créé un sacré outil difficile à remplacer par une seule application. Si la confidentialité des données est votre principal souci, rejoignez diaspora*, utilisez Signal pour discuter et les flux RSS pour vous informer. Partagez vos photos en circuit fermé et demandez la suppression de votre compte et de vos données sur tous les autres réseaux sociaux où vous êtes inscrit. Dernière chose, lâchez Gmail pour une boite mail plus confidentielle comme Protonmail et créez-vous une adresse email « poubelle » pour vos inscriptions aux sites qui ont besoin de publicité pour survivre.

Si le côté pratique prend le pas sur la protection de vos données, mais que vous souhaitez tout de même quitter Facebook, Instagram et Twitter sont de possibles remplaçants peut-être un peu moins chronophages que FB. Pour la messagerie, il y a plus de monde sur WhatsApp que sur Signal. Les messages sont cryptés, c’est déjà ça.

En tout cas, faites ce que vous voulez bien sûr, mais attention aux informations que vous donnez, à ce que vous lisez et surtout à ce que vous partagez.

Quelques conseils de base pour l’utilisation de Facebook (et consorts) si sa suppression n’est pas une option :

  • Faire un tour dans vos préférences de profil et confidentialité Facebook. Ça prend 5 minutes et c’est pas très compliqué à régler. Et surtout, donner le moins d’informations possible !
  • Faire attention aux réglages d’audience sous vos posts. « Public » signifie que tout le monde peut le voir, même quelqu’un non inscrit à Facebook. Ça vaut aussi pour les photos !
  • Taguer un pote sur un post public permet à la page qui poste de cibler plus précisément son audience et de vous faire rentrer dans cette cible, comme une inscription à un site. Le tag est aussi visible par tout le monde sur Facebook, amis ou autres. Le ridicule ne tue pas, mais bon, respectez-vous…
  • Masquer certains posts dérangeant en cliquant sur les trois points en haut à droite, puis « Tout masquer de ». Votre profil deviendra encore un peu plus précis pour les pubs que Facebook vous proposera, mais votre newsfeed sera un peu moins horrible.
  • Ranger l’application idoine dans un dossier sur votre smartphone pour limiter son utilisation (à défaut de la supprimer), et désactiver les notifications.
  • Internet est un monde merveilleux mais pas un monde de bisounours, ne pas oublier de lire ce qui est écrit sur votre écran avant d’accepter n’importe quoi.
  • Si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit (sauf rares cas tels que Telegram, Signal ou Slack, non financés par la pub).

Pour aller plus loin, lisez cet article très complet. Et n’hésitez pas à soutenir la Quadrature du net dans leur action contre les GAFAM.

Donnez-nous votre avis et vos recommandations en commentaire ci-dessous. Pas de pub ici, on utilise le peu de données que l’on reçoit (cookies) qu’à des fins statistiques.