Voilà le topo. On avait envie de voir la Palestine. De nos propres yeux. On voulait se faire une idée de ce bordel qu’on nous enseigne en classe, qu’on lit dans les journaux, qu’on voit à la télé. On voulait mettre des images sur ces noms qu’on connaît sans les connaître. Jérusalem, Bethléem, Jéricho, Hébron, Naplouse. Ces noms qui peuvent faire rêver, ou bien faire peur, évoquer la lumière divine, les Orients mythiques, mais aussi les Croisades, les jets de pierre, les murs.
Et l’occasion était trop belle. Notre pote Aël revenait d’un long voyage depuis la Chine. Il était donc dans le coin, et on s’est donné rendez-vous à Jérusalem, en janvier 2017.
11 janvier 2017
Lever 8h30, on traînasse et on file au tombeau d’Arafat. D nous attend dans sa voiture de ministre, et on décolle pour Naplouse. Il nous avertit : sur la route on risque de rencontrer trois check-points.
Premier check-point, un jeune de 17 ans, chewing-gum au bec, lui prend sa carte des mains, ne lui répond pas quand il lui dit bonjour, et la lui rend sans même le regarder. D lui demande donc poliment en arabe d’aller niquer ses sœurs.
S’ensuivent 45 minutes de discussion sur ce que c’est qu’être un Palestinien vivant sur des territoires bouffés par des colonies, où les soldats décident chaque jour si tu vas pouvoir aller au travail, à la tête du client, où les soldats protègent les colons qui caillassent les voitures palestiniennes. Difficile de rester insensible à tout ça.
En entrant à Naplouse, D passe un coup de fil à un pote qui lui indique un bon endroit où petit-déjeuner. On débarque dans un boui-boui caché au fond d’un garage, où on nous sert du foul, du houmous à la viande, du fromage frit et une omelette aux pommes de terre. On avait la dalle et on est servis, c’est excellent. D, le King de Ramallah mais aussi de Naplouse, croise des gens qu’il connaît, qui se payent un putain de saladier de houmous.
Sans crier gare, je m’exclame, C’était bon, ‘ZEUBI (puisqu’on avait déconné sur cette expression dans la bagnole). De l’autre côté de la table, D se met à rougir et enterre son visage entre ses mains. Aël me met des coups de pieds frénétiques sous la table. Pourquoi ? Tout simplement parce que je viens de hurler Ma bite ! en arabe, dans un restaurant bondé et grand comme un cagibi. Je savais très bien ce que ça voulait dire, mais j’ai eu comme une absence. Et j’ai manqué une bonne occasion de la fermer.
On sort ensuite se balader dans la vieille ville. Naplouse c’est un peu comme Grenoble, mais en mieux. C’est entouré par des collines, on en voit une au bout de chaque rue. On part visiter une usine de savon, le fameux savon de Naplouse. On goûte la meilleure knaffeh de Naplouse, et donc du monde, puisque la knaffeh a été inventée à Naplouse, on achète des épices, des savons, et on fait une visite de reconnaissance au hammam où on va aller gratter nos quatre jours de crasse tout à l’heure.
Des rues calmes, propres, animées, le tout sous un ciel bleu et des petits fanions de couleur qui décorent la rue. On déambule en pleine extase, le ventre plein de knaffeh.
D doit partir retrouver sa famille et nous filons au hammam où on se lave comme jamais, entre bains de vapeur et dalles chaudes.
Une fois devenus les hommes les plus propres du monde, on reprend un service et on retourne dans la bulle de Ramallah. Petite bière, petit bar branchouille, et on file au pieu, prêts à affronter la grande randonnée qui nous attend demain.