internets

La culture des internets sur grand et petit écran

« Arguing that you don’t care about the right to privacy because you have nothing to hide is no different than saying you don’t care about free speech because you have nothing to say. »
Edward Snowden, Reddit, 2015

Nous sommes en 2016, 1984 est sorti il y a 68 ans, le world wide web existe depuis une trentaine d’années et ça fait environ 10 ans qu’on s’en sert pour raconter nos vies sur les réseaux sociaux (woohoo Skyblog, MySpace !) On possède tous un téléphone plus ou moins intelligent qu’on remplit de photos, textos/sextos, numéros de CB et adresses de nos potes et bistrots préférés. Et on a tous un forfait illimité 4G lowcost fritatoukompri qui nous permet de snapper/faceswapper toute la journée. Bref, on est connecté 24/7.

En ces temps de discussions intenses sur le concept de vie privée, je me suis rendu compte qu’une grande partie des connaissances que j’avais sur le sujet venait, bien sûr, d’Internet prioritairement, mais aussi d’un certain nombre de films et séries. Voici donc un petit récapitulatif de ce qui m’a le plus marqué dans le genre, du film d’action du dimanche soir au documentaire spécialisé.

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wargamesPremier sur la liste, considéré comme un chef d’oeuvre du genre, WarGames (1983). Le jeune Matthew Broderick – c’est seulement le deuxième rôle de sa carrière – joue un adolescent friand de jeux videos et pirate informatique à ses heures. Nous sommes alors en pleine Guerre Froide et le jeune homme va se retrouver à jouer par inadvertance contre une intelligence artificielle appartenant à l’armée américaine capable de simuler une guerre thermonucléaire… Au delà d’un pitch typique des années Reagan, les concepts de backdoor ou encore de surveillance des réseaux sont évoqués alors qu’internet s’appelle encore ARPANET et que seulement une partie minime des américains y a accès. A voir !

Les années 90 arrivent ensuite et malgré le nombre incroyable de blockbusters sortis pendant cette décennie, un seul sort du lot sur le thème du hacking. Hackers (1995) (pourquoi faire compliqué), est un film d’action sympathique à tendance épileptique. Mélange de complot et de piratage à base de lignes de codes insensées, le tout en pleine ambiance cyberpunk ; on retiendra surtout cette oeuvre comme étant l’un des premiers rôles d’Angelina Jolie. C’est marrant, mais ça a mal vieilli.

Lors de l’explosion de la bulle Internet au tout début des années 2000 est sorti Antitrust (2001) avec Ryan Philippe (vous vous souvenez ?) et Tim Robbins dans le rôle d’un pseudo Bill Gates. Je me souviens avoir adoré ce film quand il est sorti (j’avais 13 ans), mais en fait avec le recul c’est pas grandiose. Malgré ses défauts d’ordre scénaristiques, le film prend tout de même parti pour la défense des logiciels libres. Big up.

Et pour en finir avec les blockblusters médiocres, Die Hard 4 (2007), qui est à mon avis le dernier Die Hard acceptable. Le duo Bruce « John McClane » Willis / Justin « I’m a Mac » Long marche pas trop mal et en dépit d’un scénario assez moyen, on aborde tout de même le problème de cyberattaque pouvant toucher les infrastructures critiques d’un pays, en l’occurence ici les systèmes de communication, sites gouvernementaux ou encore les centrales électrique ou de gaz (what up stuxnet?).

En parlant de stuxnet, un petit mot sur Blackhat (2015) qui malheureusement ne mérite pas plus. Le dernier Michael Mann promettait en effet une belle interprétation du sujet avec un scénario à la hauteur et l’idée de se rapprocher le plus possible des vraies méthodes de hacking. Le résultat est un peu mou et Chris Hemsworth pas vraiment crédible en hacker. Dommage, on se consolera avec la photographie de Mr. Mann, toujours magnifique.

Hacker l’humanité

Le thème des films qui suivent mériterait probablement un article à lui tout seul. The Matrix, eXistenZ, Tron ou encore The Thirteenth Floor, traitent tous, à leur façon, de la réalité virtuelle.

La trilogie The Matrix (1999), The Matrix Reloaded (2003) et The Matrix Revolutions (2003) est probablement la plus extrême et la plus mythique avec cette vision du futur où les machines ont pris le pouvoir et se servent des humains comme source d’énergie. Ces derniers, ou leurs consciences tout du moins, vivent dans une réalité virtuelle, la Matrice. Vous l’avez probablement tous vue et je ne m’attarderai pas dessus, je vous invite néanmoins à regarder ci-dessous la vidéo très intéressante concernant Neo, qui, en fin de compte, ne serait pas l’élu !

Tron (1982), Tron: Legacy (2010) et eXistenZ (1999) parlent tous les trois de jeux vidéos immersifs où le virtuel a des conséquences sur le réel. Steam a sorti récemment dans la « réalité réelle » une démonstration de ce qu’ils peuvent faire, et c’est assez impressionnant. Pour le moment, le corps du joueur n’est pas complètement relié à celui du personnage de façon sensorielle, mais ça ne saurait tarder. En tous cas ce sont trois films à voir, surtout existenZ, chef d’oeuvre de Cronenberg, et même Tron: Legacy, ne serait-ce que pour l’esthétique, et Olivia Wilde…?

 

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The Thirteenth Floor est probablement le film qui se rapproche le plus de l’hypothèse de simulation, hypothèse selon laquelle le monde dans lequel nous vivons
est une simulation générée par un ordinateur. Elon Musk, fondateur de Tesla, ou encore de SpaceX, entre autres, et considéré comme le Tony Stark humain, a d’ailleurs donné son avis sur le sujet lors d’une conférence récemment. Pour lui, il y a un milliard de fois plus de chances que nous vivions dans une simulation, que dans le monde réel. Mais c’est toujours mieux que d’être mort ! Le synopsis de ce film donc : une entreprise de logiciels a créé une simulation de Los Angeles en 1937. Les gens peuvent s’y connecter et déambuler dans ce passé virtuel (nom du film en français). Le patron de la société est assassiné dans le présent, son associé se retrouve accusé du meurtre et doit retrouver une info capitale laissée dans la simulation pour prouver son innocence. A voir aussi !

#vismavie

Il y a un style de films qui est vraiment compliqué à réaliser, ou en tous cas à aimer pleinement : les biopics. Ce sont des films qui se veulent documentés sur la vie d’une personne réelle, pour être a priori proches de la réalité, mais dans lesquels on ajoute un peu de fiction pour le côté divertissement. J’en ai vu quelques uns et à chaque fois je sors de la salle de ciné en me demandant ce qui est vrai et ce qui est faux. C’est un peu frustrant. En tous cas, il y en a certains qui trouvent leur place dans cet article.

Pirates of Silicon Valley (1999) retrace les débuts, plus ou moins rigoureusement, de Steve Jobs et Bill Gates. On y apprend comment ont été créées Apple et Microsoft. Et avec ce petit goût de 90’s, c’est très sympa.

Après le décès de Steve Jobs en 2011, sont sortis deux films sur le grand manitou d’Apple, qui piratait le téléphone dans ses jeunes années avec son ami Woz. Jobs (2012) avec Ashton Kutcher, nul, Tim Cook aime, et Steve Jobs (2015) avec Michael Fassbender, bien, Tim Cook n’aime pas.

N’oublions pas Facebook et son grand chef. Passés sous le stylo d’Aaron Sorkin et devant la caméra de David Fincher The Social Network (2010) est plutôt une réussite. Bien qu’on soit tous sortis de la salle en étant outrés par le prétentieux Zucky et ses chaussettes dans ses tongs adidas, on est tous toujours sur Facebook…

Et pour finir, celui dans lequel je mets pas mal d’espoir. A la fin de cette année 2016, Oliver Stone, le spécialiste des biopics, sortira Snowden, avec Joseph Gordon-Levitt. Et avec un peu de chance, ce sera bien…! On reparle du whistleblower, lanceur d’alerte en français, un peu plus bas.

TV CHOSES

Du côté des séries, deux sortent clairement du lot et méritent toute votre attention. Si vous ne les avez pas déjà vues, jetez vous dessus.

La première, Mr. Robot (depuis 2015), a fait énormément parler d’elle lors de sa sortie, avec raison. Série politique, à tendance révolutionnaire et bien ficelée, elle est probablement la première fiction à se rapprocher aussi précisément des vraies méthodes de hacking. Sans dévoiler de spoilers, le scénario de base est la destruction d’une compagnie toute puissante, Evil Corp, par une bande de hackers, f_society, menés par Mr. Robot. Au delà du concept un peu simpliste de révolution anti-capitaliste, les drames, le jeu des acteurs et le très bon casting font de cette série une petite perle. Et si vous n’avez jamais voulu vous prendre la tête avec vos réglages sur Facebook, ça viendra dès la fin du premier épisode. En route pour une seconde saison qui sortira le 13 juillet 2016, je vous laisse la bande annonce ci-dessous et vous invite à regarder la première d’ici là.

« The « black mirror » of the title is the one you’ll find on every wall, on every desk, in the palm of every hand: the cold, shiny screen of a TV, a monitor, a smartphone. »
– Charlie Brooker, créateur de la série, 2011

Black Mirror (depuis 2011). Une des plus grosses claques que j’ai prise ces dernières années. Deux saisons de six épisodes et un christmas special avec Jon Hamm incroyable. Tous les épisodes ont une histoire et des personnages différents, le thème restant le même : un mélange entre notre présent et un futur proche dystopique à la frontière entre le réel et le possible. Du premier ministre anglais pris au piège de la communication à l’heure des réseaux sociaux et de l’opinion publique destructrice, à l’intelligence artificielle proche du cerveau humain, en passant par la téléréalité et la publicité intempestive, les scénarios touchent juste et fort. Une troisième saison de 12 épisodes est en préparation, maintenant que la série est passée de Channel4 à Netflix.

Petite digression pour deux séries « geeky » humoristiques qui ne parlent pas réellement de hacking au sens politique du terme*, mais qui méritent quelques lignes ici. La première, anglaise, probablement ma préférée et déjà culte : The IT Crowd (2006-2010). On y suit les aventures de Roy, Moss et Jen responsables du service informatique d’une grosse compagnie. A mourir de rire. Exemple :

  • (petite scène de hacking ici quand même)

Silicon Valley (depuis 2014) est en pleine troisième saison à l’heure où cet article est publié. Pas de spoiler ici non plus, la série, très drôle, raconte l’évolution d’une compagnie high tech, Pied Piper, qui passe de start up à grosse société dans l’univers de la Silicon Valley aujourd’hui.

Digression dans la digression. En parlant de Silicon Valley, son penchant 80’s dramatique Halt and Catch Fire est aussi un must-see, et sa bande son est terrible (c’est elle qui m’a fait découvrir l’excellent groupe Montréalais Suuns, mais je m’égare, revenons à nos octets…)

Scientia potentia est

Après cette liste plus ou moins exhaustive de divertissements « mainstream« , voilà la liste de ce que vous devez absolument prendre le temps de regarder pour avoir une vision plus informée d’Internet aujourd’hui, comment il fonctionne et vers quoi il se dirige inexorablement (ou pas ?).

Première étape : Citizenfour (2014). Documentaire sur Edward Snowden, tourné alors qu’il révélait au monde entier les écoutes illégales de la NSA. On le suit dans sa fuite des Etats-Unis, dans sa chambre d’hôtel à Hong Kong pendant qu’il dévoile petit à petit le programme de surveillance PRISM aux journalistes du Guardian et du Washington Post. Si vous pensiez que ce mec n’était pas un héros, si vous pensiez que ce que la NSA faisait (fait ?) n’avait pas d’influence sur vous, regardez le film et votre avis devrait changer.

The Internet’s Own Boy: The Story of Aaron Swartz (2014) est un documentaire sur la vie d’Aaron Swartz, que vous ne connaissez peut-être pas, mais qui est co-créateur des flux RSS, des licences Creative Commons ou encore du site web reddit. Il était surtout un activiste d’Internet. Convaincu que savoir c’est pouvoir, il voulait que le maximum d’information soit disponible au maximum de personnes. Quoi de mieux qu’Internet comme medium de ce projet. Tout le monde n’étant pas de cet avis, il se fera poursuivre par le gouvernement américain jusqu’à ce qu’il se suicide le 11 janvier 2013 à l’âge de 26 ans.

On parlait de f_society dans Mr. Robot, voici le documentaire sur ceux qui l’ont inspiré IRL, le collectif anonymous. We are legion (2012) retrace toute leur histoire, de leurs débuts sur le célèbre forum /b/ de 4chan (le lien mène vers l’article Wikipedia, n’allez pas voir ce qu’il se passe là-bas, c’est un conseil), puis leur évolution vers l’hacktivisme politique. On apprend l’origine de leur masque (celui de Guy Fawkes du film V pour Vendetta, à voir aussi !), des anciens et actuels hackers racontent leurs attaques de sites par DDOB (c’est-à-dire par déni de service ; en gros, bloquer un serveur en l’assommant de milliers de fausses requêtes) ou encore le dévoilement et piratage de comptes Twitter liés à ISIS/DAECH par exemple. Quelque peu décrédibilisés ces dernières années, leur histoire est intéressante, plus que ce que l’on croit en tous cas !

Dernier de la liste, TPB AFK: The Pirate Bay Away From Keyboard (2013). Dans ce documentaire, on suit les trois fondateurs du plus gros site de téléchargement de torrents lors de leurs démêlés avec la justice et les associations de représentants de droits d’auteur pendant les années 2000.  Le film est logiquement disponible en entier sur Youtube, en téléchargement gratuit sur The Pirate Bay ou encore Mega. A voir si vous voulez en apprendre plus sur le monde du piratage de contenus protégés et sur comment sont traitées les personnes responsables des sites qui vous permettent de mater le dernier Game of Thrones à sa sortie. Je vous invite aussi à lire l’interview de Peter Sünde pour Motherboard, le penchant tech de Vice, où le co-fondateur de The Pirate Bay parle de sa déception vis-à-vis de l’évolution d’Internet, son abandon peu à peu de l’hacktivisme dont il était l’une des figures de proue et son pessimisme général sur le futur de l’humanité.

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TL;DR

Pour résumer en 30 minutes une grande partie de ce qui est dit plus haut, deux vidéos à voir.

La première, par John Oliver, est sortie lors de la bataille Apple/FBI de ce début d’année. Si certains n’ont pas suivi, voilà rapidement et de façon simplifiée le topo. Le FBI récupère un iPhone appartenant à un terroriste et veulent accéder à ses données, mais le mec a mis un code. Le FBI demande alors à Apple de déverrouiller l’iPhone, ce qu’ils ne peuvent pas faire sans créer un logiciel dédié à cette tâche qui pourrait servir à déverrouiller d’autres iPhones. Ils refusent, l’affaire passe devant la justice, Apple est dans son droit, le FBI paye une boite externe pour cracker l’iPhone et laisse tomber le procès contre la firme à la pomme. En gros, mettez un code sur votre iPhone, c’est un minimum pour la protection de vos données. John Oliver vous explique tout ça en 18 minutes et avec humour ci-dessous.

Et pour les 12 minutes restantes, regardez l’expérience de ce journaliste de Fusion qui a demandé à des hackers experts de pirater sa vie. C’est un peu flippant, mais ça vaut le coup et vous fera probablement passer une bonne heure à changer vos réglages de confidentialité ici et .

Pour finir, quelques principes de base :
  • depuis un moment, vous pouvez mettre des espaces dans vos mots de passe, alors trouvez des mots de passe longs, mais faciles à retenir (allez voir ce strip du génial XKCD ici pour comprendre l’intérêt)
  • si vous avez beaucoup de mots de passe différents (et vous devriez), servez-vous d’un gestionnaire comme 1password, c’est ultra pratique
  • vous avez un iPhone, mettez un code à 6 chiffres et activez touchID/FaceID si possible (le mot de passe reste la solution la plus safe, surtout si on vous oblige à déverrouiller votre téléphone)
  • activez Localiser mon iPhone (si on vous le vole, le voleur ne pourra pas le restaurer sans votre mot de passe et vous pourrez le localiser et effacer les données à distance le cas échéant)
  • vous avez Android, activez le déverrouillage par schéma et empreinte digitale si disponible
  • mettez un mot de passe sur votre ordinateur personnel
  • téléchargez le navigateur Tor. Même si vous ne l’utilisez pas tous les jours, ça peut être utile pour certaines de vos recherches pour lesquelles vous ne souhaitez pas être surveillés (qui a dit porn ?)
  • mettez une pastille sur votre webcam pour la cacher
  • ne rentrez jamais votre numéro de CB, adresse postale, numéro de téléphone, etc. s’il n’y en a pas besoin dans un formulaire
  • créez vous une adresse email spécialement pour les sites qui demandent un compte mais qui n’ont pas besoin de savoir qui vous êtes vraiment et gardez vous une adresse email privée que vous ne donnez à quasiment personne
  • activez la vérification en deux étapes de vos adresses email
  • passez un peu de temps à régler la confidentialité de vos données sur facebook/twitter/instagram etc.
  • et surtout faites attention et prenez le temps de lire ce qui s’affiche sur votre écran, ne cliquez pas sur OK sans réfléchir, la plupart du temps, le bon choix est logique et devant vos yeux

Si vous souhaitez aller plus loin, comprendre vos droits et / ou vous engager pour défendre les droits et libertés sur Internet, voici des liens qui peuvent vous aider :

Quadrature du Net

CNIL

Parti Pirate

Si vous avez des suggestions de films, d’autres conseils à donner, n’hésitez pas à les poster dans les commentaires ci-dessous.